Promenade à Singapour (2017)

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Singapour. Ville Etat, Cité Ile, nichée au sud de la péninsule malaise, jouxtant l’Indonésie, est comme une utopie devenue réalité.

Les débuts de son peuplement sont mal connus, avec la trace d’un peuple indigène, les Orang Lau (« peuple de la mer » en Malais) ; l’endroit devient un comptoir chinois au Moyen Age pour prendre sa réelle dimension au XIXe siècle, lorsqu’en 1819, Sir Arthur Raffles installe un comptoir anglais qui se développe, idéalement placé sur les routes maritimes commerciales, marchandant notamment le caoutchouc et l’étain malais. Les Anglais tracent dès le début du XIXe siècle les contours de la future ville, répartissant les populations selon leur origine raciale, une zone pour les Indiens (Tamouls), une pour les Chinois, une pour les Arabes et une pour les Européens (encore le goût européen pour la taxinomie !) ; la ville sera construite principalement par des prisonniers ramenés d’Inde par les Anglais. En 1867, Singapour devient une colonie anglaise à part entière. En 1959 les Anglais donnent à Singapour le premier gouvernement autonome et la première élection générale a lieu la même année, remportée par le People’s Action Party, qui est depuis au pouvoir.

Cette vision historique permet d’expliquer bien des choses, un endroit stratégique drainant commerçants issus de plusieurs pays qui donnent toutes ces communautés vivant côte à côte sans difficulté (ainsi, vous pouvez croiser un temple hindouiste, qui jouxte une mosquée, elle-même proche d’une église catholique). Circonscrits dans des quartiers bien déterminés par le traçage initial, qui ont gardé leur couleur locale, les diverses populations ne cessent d’interagir dans la vie de tous les jours ; il faut noter par ailleurs que la Ville/Etat a quatre langues officielles, l’Anglais, le Tamoul, le Mandarin et le Malais, témoignage de la diversité de ses origines.

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Autre fait saillant issu de cette histoire, la toute puissance de l’Etat, qui, héritant sûrement de la gestion britannique, a eu une marge de manoeuvre vraiment réelle ; ainsi, en intervenant dans l’économie, l’Etat a fait passer la ville d’un chômage massif en 1959 au plein emploi en 1972. Par le biais de politiques intrusives et efficaces, le gouvernement modèle cette ville à part, fortement aidé dans son action par une croissance économique hors norme.

Forte de cinq millions d’habitants, présentant l’une des plus forte densité de peuplement au mètre carré du monde (qui a d’ailleurs amené le gouvernement à faire des campagnes pour limiter à deux le nombre des enfants par famille dans les années 1970), la Cité/Etat s’offre à nous pourtant dans un grand équilibre entre zones arborées et citadines.

Deux traits principaux vous frappent au gré de votre chemin de découverte.

C’est tout d’abord une ville en pleine effervescence architecturale. De très grands noms de l’architecture (Forster, Pei, par exemple) à côté d’architectes locaux, ont participé à l’érection des tours et monuments que nous découvrons au fil de notre promenade, nous donnant à voir des bâtiments hors du commun. Avec une liberté qui nous est devenue quelque peu étrangère, nous qui sommes contraints dans toutes nos normes et principes, ces artistes inventent des constructions inédites et magnifiques. Une de leurs grandes idées, par exemple, est d’évider des buildings a priori monolithiques, pour insérer des piscines ou des terrasses avec végétation, intégrant une respiration nature dans un univers d’acier et de verre.

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Il y a une piscine cachée ici, saurez-vous la découvrir ?

Et surtout notons des prouesses telles le Marina Sands Bay, un immeuble hors norme, fait de trois tours supportant un « bateau » qui abrite une piscine surplombant la baie. Une folie devenue réalité…

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Marina Sands bay et le Musée d’art et science au premier plan

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Skyline sur la baie

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Helix bridge

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Gardens by the bay

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Gardens by the bay

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Vue depuis le building Pinnacle@Duxton

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Henderson Wave, passerelle surplombant la ville

Pour autant, c’est une ville qui a su conserver une échelle humaine, juxtaposant petits quartiers aux maisons basses et promenades arborées à ces jaillissements verticaux de béton, d’acier et de verre. Et les perspectives sont souvent vraiment étonnantes, adossant petites maisons, souvent pimpantes (nous sommes au royaume de la propreté) à ces géants plus modernes.

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C’est donc un plaisir esthétique sans cesse renouvelé auquel nous sommes conviés, nous qui déambulons dans les rues de cette capitale unique en son genre. Ajoutons que, pour faciliter vos déplacements, les indications spatiales sont très claires, les transports sont vraiment simples à utiliser (je recommande de prendre une carte E & z, que vous rechargez et qui vous permettra de prendre métro et bus sans prendre un billet chaque fois ; elle est nécessaire pour monter en haut du Pinnacle@Duxton pour la vue) et tout le monde parle anglais.

Enfin, avant de vous confier mes « it-coups de coeur » (soyons modernes comme un magazine féminin 😉 ), je voudrai souligner un dernier aspect, du type « côté obscur de la force »…

Si tout est si net, organisé, en développement, cela s’accompagne d’une régulation particulièrement musclée de la part des autorités locales. Ainsi fleurissent les interdits à tous les coins de rue, accompagnés de menaces d’amendes pharaoniques, entre 150 et 2000 €. Interdit de fumer, de faire du skate, de traverser hors des clous, de cracher par terre, de jeter quelque chose sur la voie publique, de manger dans certains endroits publics, voire de boire de l’alcool… Le système est tellement oppressant au départ qu’il déroute notre système cognitif de base et que nous ne savons plus si nous pouvons sortir notre bouteille d’eau dans le métro sans être gravement sanctionné 😉 (Citons un faits divers récent : un homme qui avait fumé à la fenêtre et jeté 40 mégots par terre a été condamné à payer 20 000 € d’amende, ici on ne rigole pas !).

 

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J’aime particulièrement l’interdiction des durians (fruit à l’odeur assez forte, certes) – Pour information, 5000 dollars équivalent à 3000 €

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Des caméras CCTV opèrent dans toute la ville et de plus les citoyens sont sollicités pour dénoncer…

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Little India, lieu d’expérimentation de cette nouvelle disposition ; là où se sont produits quelques désordres récemment…

Si nous faisons coïncider ces dimensions, démesure architecturale, aspiration à une ville débarrassée de ses « vices » et très surveillée, nous ne pouvons nous empêcher de penser à « 1984 » (George Orwell) et cela peut devenir oppressant.

Il faut pourtant venir voir cette ville, qui offre tellement de beautés. Voilà quelques unes de mes suggestions :

  • Les musées valent la peine. Vous y découvrirez une muséographie vraiment différente de la nôtre, comme dégagée de tout notre héritage pesant (mais essentiel, ne vous méprenez pas sur mes propos), pour mieux intégrer les nouvelles technologies. Je recommande le National Museum qui met en scène (littéralement) l’histoire de la ville, le Chinatown Heritage Center, qui vous présente la vie quotidienne dans le quartier, vraiment très intéressant, l’Asian civilisations museum, où vous pourrez voir notamment le contenu d’un navire chinois naufragé au IXe siècle, exceptionnel, ainsi que le Art Science Museum. En en voyant plusieurs, vous vous ferez une idée claire sur ce que je vous dis
  • Faites des détours par la nature. Le jardin botanique est fantastique. Immense, il vous permet de visiter un « Healing garden » où les plantes sont classées par propriétés médicinales selon les parties du corps où elles opèrent. Ne ratez pas le jardin des orchidées, vous n’en avez jamais vu de pareilles, et également le jardin des gingembres, magnifique. Juste pour l’odeur superbe, faites un détour par le jardin des frangipaniers… Allez également arpenter Henderson Wave, une passerelle de bois et d’acier qui vous donnera une vue exceptionnelle sur la ville

 

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  • La nourriture est excellente. Bien sûr vous pouvez opter pour des restaurants fusion, voire occidentaux (à des prix comparables aux nôtres). Je recommande plutôt les Hawkers food courts, ces halls bordés d’échoppes en forme de restaurants, qui vous permettent de découvrir la nourriture d’ici, malaise, indienne, chinoise, au coude à coude avec des natifs. Pour les plus aventuriers, aller au Geylang Serai market, marché alimentaire malais, qui offre un de ces espaces de restauration (j’étais la seule Européenne ; aucun problème). Perdez-vous également dans Little India ou Chinatown où vous trouverez des restaurants extraordinaires.
  • Je ne reviendrai pas sur les promenades architecturales, il faut alterner entre la découverte de ces incroyables édifices modernes et des détours par des quartiers plus intimes comme Little India ou Chinatown (très touristique, cette dernière, au demeurant).
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Little India

  • Faites-vous du bien : manucure, pédicure, épilation des sourcils, tout cela est à votre portée. Et n’oubliez pas les massages. Je recommande personnellement l’institut Amrita à Little India pour ses massages aryuvédiques curatifs, vraiment bien.
  • Et pour sortir, allez à Kampong Glam (enfin, pour un temps, car le quartier devient très touristique) ; un endroit où vous pourrez à la fois bien manger ET boire une bière ET fumer 😉
  • Dernier conseil : évitez les achats dans ces super centres commerciaux que sont les « malls » ; mêmes marques que chez nous, mêmes prix, aucun intérêt, sauf à aller contempler la démesure…
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Orchard road

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Patinoire, Marina sands

Ville du futur multiculturelle, Singapour vaut la peine d’une incursion de quelques jours à une semaine. Vraiment intéressante.

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