Cinémas – Peter JACKSON : Le Hobbit, la bataille des cinq armées (2014)

Voilà donc le troisième et dernier opus de l’adaptation fleuve par Peter Jackson du (court) roman de J.R.R. Tolkien « Le Hobbit » (1). Tout y est, Elfes, Nains, Hommes, Gobelins et autres monstres, un dragon qui meurt au début, une histoire d’amour, les magnifiques paysages de Nouvelle-Zélande et des trésors à n’en plus finir. D’où vient que cela ne marche pas ? Alors que l’épisode précédent fonctionnait bien ? Essayons de comprendre.

Une impression de déjà vu
Pour faire la bataille des cinq armées, vous prenez d’abord un peu de celle du Gouffre de Helm (« Le Seigneur des anneaux », II) et puis un peu de celles de la fin (« Le Seigneur des anneaux », III), vous mélangez et vous faites du neuf avec du vieux. Vous aurez soin, quand même de modifier certains détails. Ainsi, les trompettes de guerre n’ont pas la même forme, l’architecture de la forteresse des Nains n’est pas complètement semblable à celle du Gouffre de Helm, les loups montés par les capitaines Orques ont laissé la place à des mouflons et à des cochons de guerre chevauchés par les Nains, les uniformes des Elfes sont légèrement différents de ceux de leurs lointains descendants. Et pourtant, tout est tellement pareil que nous ne pouvons cesser de faire des analogies, un peu comme dans un jeu des sept erreurs. Ainsi, l’invasion de la ville par des hordes d’Orques et autres créatures ressemble fort à celle de Minas Tirith, la capitale du Gondor, dans « Le retour du roi ». Ainsi également, le couard Alfrid a des allures de Grima-Langue de serpent (« Les deux tours »). Etc. etc… Et pour renforcer encore cette mise en miroir avec « Le Seigneur des anneaux », passent plusieurs personnages de cette dernière saga, incrustés bien malgré eux dans ce nouvel opus, tels que les seigneurs elfes Galadriel et Elrond, le magicien Saroumane ou encore l’archer elfe Legolas. Plombé par ces références incessantes, le film ne s’en remet pas, n’arrivant pas à décoller au-dessus ni même à la hauteur de son « Aîné » si réussi.

Des ficelles trop évidentes
Immergés dans ce contexte de comparaison, nous en devenons d’autant plus critiques sur les procédés, et ils se révèlent nombreux et apparents. Les ralentis dans les combats, avec gros plan sur les visages accablés des guerriers, les scènes d’émotion, tellement, tellement lourdes, les moments d’humour, qui semblent toujours arriver à contre-temps, les morceaux de bravoure, montrant le courage des protagonistes, vraiment artificiels. Car le cinéaste, qui avait trouvé un équilibre tellement parfait dans « Le Seigneur des anneaux », en fait trop et ne s’en rend même pas compte. Telle la scène grotesque où Thranduil embarque une dizaine d’orques sur les bois de son cerf de combat, ou celle où l’archer elfe Legolas saute de pierres en pierres sur un pont en train de s’écrouler (on dirait un jeu vidéo surnaturel !). Conséquence, l’émotion s’enfuit de toute la vitesse de ses petites jambes et déserte ; rien ne nous touche de ce qui se passe entre les personnages et nous finissons par ne pas nous soucier de qui meurt ou pas. Le grandiose et l’héroïque se sont carapatés eux-aussi, préférant rejoindre leur base de 2001 (2). Ne reste qu’un naufrage, dans lequel nous contemplons froidement des maquettes et des effets spéciaux, là où nous ne voyions dans l’opus précédent que magie et souffle (j’ai presque eu envie de quitter la salle car cela finissait par jeter une ombre sur la saga du « Seigneur des anneaux »). Le bel univers de J.R.R. Tolkien finit par rejoindre n’importe quel blockbuster américain d’Heroic Fantasy et c’est bien dommage…

Bref, à éviter

Et voilà un résumé assez juste du film

Et voilà un résumé assez juste du film

FB

(1) 380 pages adaptées en plus de sept heures de pellicule
(2) Le Seigneur des anneaux, vous vous en doutiez… 😉