Nature et culture. Deux concepts que la philosophie parfois distingue voire oppose.
Ce que nous avons vu la semaine dernière est une tentative réussie pour les agencer et les fusionner. Au nord d’Aix-en-Provence, près du Puy Sainte-Réparade, s’étend le domaine du Château La Coste sur plus de 100 hectares. C’est là, dans ce domaine ancestral traversé de vestiges de voies et acqueduc romains que Patrick Mc Millen, homme d’affaires et collectionneur irlandais, a conçu l’ambitieux projet de marier l’art contemporain et la production de vin. Le concept a de quoi surprendre au départ. Ne s’agit-il pas d’un effet de mode ? Quelles relations entre sculpture et vignes ?
Dès l’arrivée, le ton est donné avec la cuverie, bâtiment industriel métallique de Jean Nouvel, stridence industrielle sur le vert du paysage.
Après avoir passé la maison de maître, fort classique, nous rejoignons par un parking souterrain (qui donne la mesure de l’ambition du lieu), l’édifice principal, bâti par un architecte japonais, Tadao Ando, dont nous retrouverons plusieurs installations ensuite. Un bâtiment de béton épuré, dans la lignée de Le Corbusier, un des inspirateurs de l’architecte. Dans cet environnement étonnant, il perd de son austérité et gagne en pureté. Arbres, pelouses, ciel et plans d’eau lui font comme un écrin dans lequel il peut épanouir sa beauté simple.
Nous apercevons tout de suite une « Araignée » de Louise Bourgeois (Crouching Spider). Confrontée à l’architecture de Tadao Ando et au paysage provençal, elle semble danser sur l’eau et nous pouvons en saisir toute la beauté.
Une promenade de deux heures à travers les vignes, les vestiges romains, vont nous conduire à d’autres oeuvres, qui ponctuent le paysage et le complètent. Je ne vais pas ici en faire le catalogue, exercice fastidieux pour vous et pour moi. Sachez que les artistes ont été associés au projet et qu’il s’agit d’une véritable collaboration.
Croiser ces installations et sculptures au gré des chemins tout en serpentant le long des parcelles de Sauvignon, Grenache noir, Syrah et Chardonnay, dans lesquelles s’affairent des vignerons et des tracteurs, est une expérience insolite et magique. Echappées des musées, revenues à l’état sauvage, elles prennent un relief inattendu et nous interpellent différemment.
Une mention spéciale à l’oeuvre de Tadao Ando « Four cubes to contemplate our environment », dans laquelle quatre cubes de plexiglass, enserrés dans une cabane de lattes de bois, évoquent les déchets, l’eau, le CO² et le futur (« Future ? »). Evidente et émouvante, elle résume pour moi la philosophie du lieu.
Parmi les lieux d’intérêt que recèle cet endroit, la « Croix » de Jean-Michel Othoniel, qui s’adosse à la « Chapelle » de Tadao Ando, surplombant un magnifique paysage.
Bref, une visite hautement recommandée, qui changera à coup sûr votre vision « classique » de l’art contemporain dans les musées.
FB