Après avoir sillonné la capitale chinoise pendant quelques années, j’ai repris mes vagabondages dans la capitale française avec une assurance renouvelée, celle de ne pas redouter les transports au long cours pour aller visiter un lieu d’exception même lointain (le « tout est plus loin ici » qui ponctuait mes articles pékinois est devenu le « tout est finalement plus près qu’on ne le pense » à Paris). Quoi que… Pour atteindre ce château, il faut s’embarquer dans un voyage au long cours (1h15/30 de chez moi), RER, bus, promenade le long de glissières de voies rapides, pour parvenir au but.
Peu me chaut ! J’avais décidé ce week-end de rendre visite au Château de Monte-Cristo, à Saint- Germain-en-Laye, perdu au milieu d’un parc magnifique.
Si le nom vous dit quelque chose, vous avez raison, car c’est la demeure d’Alexandre Dumas père (1802-1870), l’écrivain français à qui nous devons, entre autres, « Le Comte de Monte-Cristo », paru en 1846, mais dont la publication en feuilleton commence en 1844, date à laquelle il fait appel à l’architecte Hippolyte Durand pour construire une maison à la campagne où il pourra écrire au calme, auquel il donnera le nom que nous lui connaissons. Je ne peux m’empêcher de reproduire ici les échanges avec l’architecte à ce propos :
« -Monsieur Durand, vous allez ici même tracer un parc anglais au milieu duquel je veux un château Renaissance, en face d’un pavillon gothique entouré d’eau… Il y a des sources, vous m’en ferez des cascades.
-Mais, Monsieur Dumas, le sol est un fond de glaise, vos bâtiments vont glisser.
-Monsieur Durand, vous creuserez jusqu’au tuf… Vous ferez deux étages de caves et d’arcades.
-Cela vous coûtera quelques centaines de mille francs.
-J’espère bien ! »
Nous reconnaissons bien ici ce personnage hors-norme, né de l’union d’un général de la Révolution Française – lui-même fils d’un marquis français désargenté ayant émigré vers les colonies et d’une esclave noire émancipée – avec la fille d’un aubergiste de Villers-Cotterêts. Avec cette ascendance prestigieuse et néanmoins sulfureuse (qui lui vaudra nombre de caricatures sur son sang-mêlé, dont nous verrons bien des exemples dans le château), il fait son chemin pour s’imposer comme un des écrivains français les plus célèbres.
Il fait preuve d’exubérance dans sa vie, collectionnant les maîtresses, vivant sur un si grand pied qu’il sera obligé de se défaire de cette demeure en 1849. Promise à la démolition, elle est sauvée par l’intervention de la Société des amis d’Alexandre Dumas fondée en 1971 par Alain Decaux, qui pousse les communes alentours à racheter la propriété et à la restaurer. Heureusement pour nous !
Car, dans cette belle journée d’automne, sous un ciel bleu que n’aurait pas renié la capitale chinoise, il faisait beau découvrir le « Château d’If », son sanctuaire gothique où il se posait au milieu de la nature pour écrire.

Le bâtiment principal nous montre un intérieur plein de fantaisie, que Balzac avait décrit comme « une des plus délicieuses folies qu’on ait faites. C’est la plus royale des bonbonnières qui existe » (lettre à madame Hanska) ; même si le mobilier n’est plus tout à fait d’origine, la structure parle pour elle-même et l’exposition citée plus haut fait l’intérêt de la visite.
Moi qui adore la lumière, j’ai été fascinée par ces fenêtres délicates, ornées de vitraux, tous originaux et rappelant les anciens temps qui émaillent les pièces.
L’habitat principal s’étend sur trois étages (dont le supérieur fermé à la visite), qui nous font naviguer dans l’histoire et le quotidien de l’écrivain.
Avec cette saisissante pièce mauresque, qui dit bien des élans de l’écrivain vers des ailleurs. Lui qui nous a régalé de toute la puissance de son imagination pour construire des intrigues exotiques, dans le temps ou dans l’espace.
J’ai été ravie de voir la popularité du lieu, j’étais loin d’être seule, et je nous sentais tous en communion pour rendre hommage à cet immense écrivain.
J’ai refait ma route à l’envers, le cœur léger avec l’impression d’avoir vu un lieu hors du commun.
Ne vous méprenez pas, la visite est courte, une heure, voire plus si vous flânez dans les jardins, mais cela en vaut la peine.
FB








Après nous avoir émerveillés de découvertes depuis la lointaine Chine, voici que chez nous tu découvres également des trésors ! Voilà un reportage Edmond Dantesque qui nous conduit vers une demeure splendide, affichant fièrement les largesses financières de l’aristocratique écrivain natif de mon département. Plus qu’une envie, filer vers cette bâtisse et m’imbiber de ses vibrations littéraires.
Petite question : le « Monte-Cristo » récemment sorti a-t-il été en partie tourné sur les lieux ?
Merci pour ton enthousiasme !
Ce que j’ai appris en Chine c’est qu’il ne faut pas se reposer entièrement sur les guides sinon on ne sort jamais des sentiers battus.
Et pour répondre à ta question, je viens de vérifier, a priori ce château n’a pas fait partie des lieux de tournage, les châteaux concernés sont celui de l’Engarran et celui de Ferrières (le dernier en Seine-et-Marne) qui sont nettement plus grands. Celui-ci est relativement petit, 5 pièces par étage, 3 étages, on est loin de Chambord.
Dommage, cela aurait tout de même fait une très belle toile de fond pour les extérieurs.
Merci pour ces précisions.