Cinéma – HUR Jin-Ho : A normal family (2025)

« A normal family ». Chaque fois que je vois le mot « normal » ou « ordinaire » dans un titre de film ou de livre, je me dis que je vais assister à la démonstration du contraire (pensez à « Ordinary people » tourné en 1980 par Robert Redford – R.I.P., hommage à ce grand homme du cinéma) ; si j’osais un parallèle, c’est la même chose que quand vous voyez les mots « populaire » ou « démocratique » dans les appellations officielles de certains pays (République populaire de Chine, République démocratique du Congo – ou mieux, la République populaire démocratique de Corée), vous réalisez que la réalité est à l’inverse.

Ici, dans un film tiré au cordeau, à la mise en scène fluide et élégante, nous allons suivre le parcours d’une famille confrontée à un choc qui la secoue dans ses fondements. Et elle va se révéler dans ses dysfonctionnements cachés.

Jae Wan, le fils aîné de la fratrie est avocat, remarié avec une jeune femme, Ji-Su, et son frère est un chirurgien qui a fait beaucoup de bénévolat à l’étranger avec sa femme. Ils ont tous les deux réussi leur vie, beaux appartements, belles voitures, ont chacun un enfant adolescent, Hye-Yoon, fille du premier et Si-Ho, fils du second.

Nous sentons des tensions sourdes entre les deux frères, leurs deux épouses ne s’apprécient pas et leur mère, hébergée pour le moment chez le cadet, pose problème, avec sa violence quotidienne ; il y a également une dissension de points de vue entre eux, que nous saisirons à l’occasion d’un faits-divers qui fait l’introduction du film, celui qui sauve la vie des victimes et celui qui sauve la vie des coupables . Ce sont autant de petits signes que tout ne va pas si bien entre eux.

Tout va exploser à l’occasion d’un autre faits divers, deux adolescents qui ont violemment agressé un SDF, jusqu’à l’envoyer à l’hôpital en soins intensifs, acte filmé par les caméras de surveillance. Les parents pensent reconnaître leurs enfants dans cette vidéo qui tourne sur les réseaux sociaux. Tout va alors basculer, les bousculant dans leur éthique et leur devoir de parents ; que faire : les dénoncer ou s’abstenir ? Ce dilemme ontologique va les faire basculer hors de leur monde, mettant à jour tous les conflits et haines latentes qui hantaient leurs relations.

La mise en parallèle avec le cas traité par l’avocat (et par le chirurgien, qui s’occupe de la petite fille), d’un homme qui a écrasé un homme et laissé sa fille dans le coma, est très instructif. L’avocat réussit à tirer le coupable d’affaire ; mais quand il lui demande d’aller voir la fille de la victime à l’hôpital, l’homme rechigne, comme s’il ne se sentait pas concerné. Froideur glaçante de cette absence de responsabilité.

Le film est effectivement une mise à nu des duretés qui parcourent la société coréenne, notamment en ce qui concerne les enfants, dressés comme des bêtes à concours, harcelés à l’école sans que personne ne s’en préoccupe (quand ils osent dénoncer les faits), abreuvés de réseaux sociaux ; des bombes prêtes à exploser.

Les acteurs, impeccables, nous entraînent à leur suite dans ce problème sans solution, qui finira de manière dramatique.

C’est un beau film que je recommande.

FB