Pour me remettre de ma frustration après avoir vu « Sirat » (voir mon article sur ce blog), je suis allée voir le dernier opus de Christian Petzold, ce cinéaste allemand qui m’avait tellement émue dans son portrait de femme, « Barbara » sorti en 2012.
Le titre « Miroirs n°3 », fait allusion à une série de pièces pour piano de Maurice Ravel (magnifique, je vous en recommande l’écoute). C’est une référence à l’œuvre jouée par une des héroïnes dans le film, mais aussi le fil directeur du film, où deux femmes vont se mettre « en miroir » l’une de l’autre, projections croisées de destins que nous allons suivre ici. Et cette musique à la fois lumineuse et profonde plane sur le film.
Laura, étudiante à Berlin, est victime d’un grave accident de voiture près de la maison de Betty, qui vit seule à la campagne. Recueillie, choyée, elle va se faire une place le temps de sa convalescence auprès de cette femme qui pourrait être sa mère, et faire la connaissance de son mari et de son fils, qui ne vivent pas avec elle.
Le réalisateur, dans plusieurs de ses films, a exploré la notion d’identité au travers de ses personnages principaux, depuis Barbara, qui ne sait plus si elle veut rester en Allemagne de l’Est ou franchir le Mur (« Barbara », 2012), jusqu’à Georg, qui prend une nouvelle identité pour émigrer (« Transit », 2018), en passant par le personnage de Nelly Lenz, rescapée d’Auschwitz défigurée, qui passe par la chirurgie esthétique pour se refaire une nouvelle tête (« Phœnix », 2015).
L’histoire ici porte également cette question de l’identité, d’une manière plus apaisée ; nous sommes loin des camps de concentration ou de la pesante histoire de l’Allemagne de l’Est. C’est une histoire qui s’enracine dans notre présent, sans plus chercher de racines dans l’Histoire.
C’est un film sur la réparation, qui nous dit comment des vies meurtries peuvent fusionner pour guérir puis se disjoindre pour aller leur chemin. Laura et Betty ressortiront plus fortes pour affronter la vie, grâce à la relation qu’elles ont eue. Les deux hommes, qui avaient déserté la vie de Betty, reprennent vie peu à peu dans l’univers de ces femmes ; d’abord réduits au rang de cariatides qui s’enfoncent dans les recoins des portes, êtres taiseux qui tâtonnent et hésitent avant de faire un compliment, ils reprennent leur place au fur et à mesure. C’est ténu et magnifique.
Pour dire cela, il y a beaucoup d’ancrage dans les plaisirs de la vie quotidienne, jardiner, cuisiner, faire du vélo, apprécier une bière sur le coin d’une table, laisser le soleil vous bercer, sentir le vent qui fait danser les arbres. Tout est sensuel ici, dans une grande plénitude.
Le cinéaste a confié les rôles principaux à des acteurs qu’il avait déjà fait tourner ; ils sont tous magnifiques, incarnant avec justesse la fragilité de leurs personnages.
Je recommande.
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