Cosi fan tutte est un opéra de Mozart que j’aime beaucoup ; porté par le livret de Lorenzo da Ponte, à qui l’on doit également celui de Don Giovanni, c’est un opéra bouffe plein de légèreté et d’esprit, émaillé de trios, quatuors, voir sextuors vocaux plus beaux les uns que les autres.
J’ai eu la grande chance de l’entendre dirigé par René Jacobs au Festival de Beaune en 2000, un moment merveilleux dans la Cour des Hospices (bien sûr j’ai acquis le disque sur le champ).
Tout cela pour vous dire mon impatience à entendre cette performance au Théâtre de l’Athénée, je savais qu’il ne s’agissait pas d’une représentation orthodoxe, introduction d’instruments modernes (guitare électrique et saxophone) et deux heures en tout, là où l’opéra, même sous la conduction d’un chef alerte, est d’environ 3h30. Pourquoi pas ?
Commençons par les bons côtés (malheureusement il n’y en a pas beaucoup). Les voix étaient assez belles (parfois), tout le monde, musiciens et chanteurs était très engagé.
Mais… Mais, Pourquoi vouloir faire tant de laideur avec la beauté incroyable de cette musique ? J’ai assisté à une entreprise de déconstruction de l’œuvre pendant ce qui m’a paru des siècles (coincée au milieu du premier rang, je n’ai pas pu partir, je ne voulais pas faire cela à ces artistes qui y croyaient…).
Je ne suis pas contre des mises en scène qui renouvellent pièces et opéras, j’ai vu récemment au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles une adaptation de « Fanny et Alexandre » de Bergman, en opéra, mise en scène d’Ivo Van Hove, j’ai adoré. Parce que j’ai compris le pourquoi de cette mise en scène. Je pense que c’est ce qui manque le plus actuellement, comprendre les partis pris des metteurs en scène, il s’agit de « mettre en scène » une œuvre, de la sublimer en respectant l’esprit qu’a voulu lui donner son auteur, écrivain ou musicien, et non de s’interposer entre le public et elle.
Ici, je n’ai rien compris aux intentions. Des costumes très moches (il faut voir l’un des protagonistes masculins, déguisé en Turc/Valaque, en caleçon et tricot de corps orné d’une guirlande lumineuse et d’un chapeau scintillant type guirlande de Noël), on dirait que les costumiers se sont fournis chez Emmaüs, ce qui est une bonne chose sur le plan éthique mais interroge quand on veut adapter un opéra de Mozart. Nous aurons d’ailleurs à subir des protagonistes a moitié nus dans des attirails si laids que nous ne les souhaitons à personne.
Et sur la mise en scène, parlons-en. Pourquoi ce godemichet en fluo dégradé surgit-il au milieu de ce vaudeville ? Étrange… Il y aurait bien d’autres choses à remarquer ici, mais le principal est que cela ne faisait pas sens pour moi (à part faire le buzz et être dans l’air du temps).
Parfois la musique de Mozart surnageait dans sa beauté, mais c’était rare, car elle était ponctuée de machines à pet (oui, oui), de canards qui font pouet, et tout à l’avenant.
Sans oublier que lorsque l’on décale une œuvre du XVIIIe siècle dans notre société contemporaine, nous risquons de vrais contresens, notamment de rendre vulgaire un récit que se voulait simplement piquant et libertin.
Quand on se saisit d’une œuvre comme Cosi fan tutte, la base est de la respecter, d’en donner une lecture personnelle pourquoi pas, mais sans la dénaturer. C’est pour moi la frontière entre la désacralisation et l’irrespect.
A peine arrivée chez moi, pour écrire cet article, j’écoute la version de René Jacobs, pour me remettre dans la beauté de cet opéra qui m’a tellement manqué plus tôt.
Imaginez avec un canard qui fait pouet.
FB

