Nanchang, dont vous ne connaissez sûrement pas le nom (qui porte la belle signification de « Prospérité du sud », au passage), est pourtant la capitale d’une des 23 provinces chinoises, le Jiangxi. C’est une petite ville (selon les canons locaux), qui compte à peine un peu moins de 6 millions d’habitants. Elle se trouve à l’écart des circuits touristiques principaux, son titre de gloire le plus remarquable est d’avoir été le théâtre d’événements importants lors de la mise en place de la République populaire de Chine (la Longue Marche est partie d’ici, le Jiangxi est généralement une province réputée pour son engagement politique).
Et pourtant, cette ville est intéressante car elle illustre bien certaines caractéristiques de l’urbanisation chinoise.
Comme bien d’autres de ses consoeurs, elle abrite un monument remarquable (a priori un seul, qui se retrouve par conséquent cité dans tous les guides), la Tour du Prince Teng 滕王阁, édifié au VIIe siècle par un frère de l’Empereur, le Prince Teng (rien que de très logique, vous vous en doutiez). Sa particularité est d’être, avec la Tour de la Grue Jaune (Province du Hubei) et la Tour Yueyang (« Première Tour sous les cieux », Province du Hunan) les trois tours les plus remarquables au sud du Fleuve Yangtze.
Cette vigie, qui se dresse en marge du fleuve Gan, a connu bien des déboires au cours de son histoire. Maintes fois détruite, elle doit à un acharnement sans faille des habitants d’avoir été reconstruite 29 fois, la dernière en 1989. C’est donc une vieille dame en habits des années 80 qui nous accueille, poutres laquées de frais, tuiles vernissées impeccables et ascenseur dernier cri pour accéder à ses étages supérieurs (le bâtiment compte 9 étages sur près de 60 mètres de haut). Un architecte a pris en main cette rénovation, en gardant la structure globale de l’époque mais en utilisant des matériaux tout à fait modernes, notamment du béton pour renforcer sa structure. Quand nous voyons ce qui s’est passé pour la restauration de Notre-Dame de Paris, nous mesurons la différence culturelle entre les deux pays.
Car depuis l’origine et encore maintenant, où il est devenu l’emblème de Nanchang, l’édifice est considéré comme un fleuron de l’architecture Song, qui a inspiré par exemple les tours d’angle de la Cité Interdite à Pékin et respecté tel quel. Son âge et son authenticité importent peu ici, nous sommes dans le registre de l’architecture symbolique et de l’histoire sublimée.
Comme dans la majorité des villes chinoises, les abords du fleuve se sont hérissés de buildings verticaux, qui dressent leurs structures de verre et d’acier vers le ciel. Ils sont anonymes et sans repère géographique, vous trouverez les mêmes dans toute la Chine, comme si le pays voulait construire une seule ville, rassurante, où les repères seraient toujours les mêmes du sud au nord et de l’est à l’ouest. L’accélération de l’urbanisation dans le pays a été à ce prix, standardiser la construction, simplifier les formes et concentrer les habitats.
Penser à cette « petite » pagode, enchâssée dans tous ces immeubles d’un autre style ferait frémir plus d’un conservateur du patrimoine en France. Et pourtant cela témoigne également d’une volonté d’inclure le passé dans le présent et de niveler la hiérarchie historique au coeur de la ville.
J’ai découvert cette ville à l’occasion d’un déplacement professionnel – il est certain que le patrimoine culturel ne m’aurait pas fait faire le voyage – et je ne le regrette pas, car c’est une ville vraiment représentative de l’urbanisme chinois.
Pour finir, je vous livre un cliché qui m’a bien amusée.
FB






Merci pour ce reportage sur l’architecture en Chine. J’apprécie beaucoup vos articles qui m’ouvrent une fenêtre sur ce pays. La précision humoristique selon laquelle la « petite ville » a là -bas « un peu moins de » six millions d’habitants est parlante ! 🌈☀️
Merci pour ce retour très sympathique !