Nous sommes arrivés dans la belle période à Pékin, l’automne est là et nous entoure de tout cette explosion en jaune et rouge des feuilles des arbres. La semaine a été particulièrement magnifique, pas de pollution et ce ciel bleu à perte de vue (serait-ce en corrélation avec le Sommet des Routes de la soie, événement qui a vu des personnalités telles que Vladimir Poutine ou Victor Orban hanter la capitale chinoise ? Nous avons déjà vécu des expériences très bizarres en matière de pollution et de météo quand de grands événements se déroulaient dans la capitale chinoise, coïncidence ? Je ne crois pas).
Une bonne opportunité pour aller voir un de ces sites lointains (dans le district de Shijingshan 石景山, à 25 kilomètres du centre de la ville), en l’occurrence, la Tombe de Tian Yi, un eunuque impérial de l’époque Ming. Ce qui fait la particularité de ce site, c’est que la majorité des « monuments tombeaux » en Chine sont ceux d’empereurs ou d’impératrices, alors qu’ici il s’agit d’un particulier (un peu à part, certes, du fait de ses fonctions).
En Chine, le système des eunuques existe depuis plus de 2000 ans avant notre ère et connaît son apogée sous la dynastie Ming. Les eunuques sont réservés aux empereurs, on estime à plusieurs milliers leur nombre dans le Palais Impérial, où ils peuvent occuper de très hautes positions et forment l’entourage privé de l’empereur. A noter que le dernier d’entre eux est mort assez récemment, en 1996.
Parmi eux, Tian Yi (1534-1605), castré dans son enfance, à l’âge de 9 ans, a eu une carrière particulièrement longue, plus de soixante ans, faisant preuve d’un dévouement sans faille auprès des trois empereurs qu’il a servi, ce qui lui a sûrement valu la construction de cette sépulture tout à fait inédite.
L’entrée est déjà spectaculaire en soi, toute cette immobilité blanche adossée à ce ciel bleu immuable. Pour qui a déjà visité les sépultures des empereurs à proximité de Pékin, c’est comme un site en miniature (là où la voie des esprits fait plusieurs kilomètres, elle est ici d’une centaine de mètres), mais où tous les éléments du decorum sont respectés.
Nous voyons ensuite les Huabiao 华表, ces colonnes ailées surmontée d’un animal féroce, comme un lion prêt à en découdre, et à la base finement sculptée.
A côté des Huabiao, deux dignitaires encadrent la voie, comme pour la garder et s’assurer du respect des visiteurs.
Il faut ensuite passer la deuxième porte, Lingxingmen 棂星门 pour accéder à une (petite) esplanade qui comprend trois pavillons.

Ces trois constructions, assez particulières, telles que je n’en avais jamais vu, abritent des stèles disant la vie et tous les hauts faits de Tian Yi.
Nous arrivons juste après sur le site de la sépulture proprement dite.
Cet endroit est devenu comme un cimetière d’eunuques, certains successeurs de Tian Yi s’étant fait enterrer près de lui ; j’ai vu au moins quatre tombes. J’ai lu également quelque part que l’utilisation de la pierre pour les tombeaux était liée au fait que les Chinois pensent que la pierre n’est pas une matière vivante, contrairement au bois et elle est donc un matériau de choix pour ces endroits mortuaires.
Les sculptures de tous ces ornements rituels sont d’un grand raffinement, alliant animaux, cerfs, lions, dragons à des saynettes mettant en scène des personnages.
Un autel, lui aussi orné, précède la tombe proprement dite, avec ses vases d’offrandes défiant le temps dans leur stabilité de pierre.
Après ce cheminement dans tant d’oeuvres d’art finement ciselées, la tombe nous apparaît comme humble, un bel endroit pour reposer au creux des arbres dans la belle lumière de cette contrée.
Il est possible de descendre pour voir le mausolée. Bien sûr, il ne reste plus rien des tombeaux (je ne sais pas ce qu’ils sont devenus), mais là aussi, le lieu est bien émouvant.
En annexe au mausolée, quelques salles d’exposition présentent la culture des eunuques, mais tout était en chinois, j’ai donc survolé les lieux. Je me suis quand même arrêtée devant cette sculpture de cheval, datant de l’époque Ming (1368-1644), qui a peut-être un jour eu sa place dans une voie des esprits, ravinée par le temps qui passe et nimbée de cette belle lumière d’automne.
FB

















Comme à chaque fois, c’est vraiment très impressionnant ! Tout ce faste monumental témoigne de la grandeur et du refinement de cette civilisation.
Je suis assez impressionné aussi par l’état de conservation.
Merci pour ce très beau reportage.
Merci encore une fois pour tes encouragements ! J’essaye d’explorer la capitale chinoise et c’est vraiment intéressant. Et à propos du film de Scorsese, j’ai lu ta magnifique chronique, je regrette de ne pas être en France parfois !
En lisant le texte du le Tibet, j’ai évidemment pensé à « Kundun ».
Ah, il faut que je le voie…