Chine – Zhouzhuang 周庄 (2023)

A 40 kilomètres au sud de Suzhou, dans cette région du Jiangsu, appelée Jiangnan 江南(littéralement : « au sud du fleuve », entendez le Yangtse ou Fleuve bleu) où les lacs et cours d’eau font des entrelacs qui défient la domination de la terre ferme, se trouve la bourgade de Zhouzhuang (littéralement : villa de M. Zhou), en l’honneur de Zhou Di qui édifia au XIe siècle un temple bouddhiste dans ce lieu. La ville s’est ensuite développée autour de canaux, la majorité des édifices datent des époques Ming et Qing (XIVe au XIXe siècle) et je dois dire qu’elle constitue une petite enclave miraculeuse, protégée de ce mouvement d’urbanisation, accompagné de destructions, qui parcourt le pays depuis les années 1950. Même si vous pouvez voir aux alentours, dans les perspectives offertes par quelques ponts, une ville moderne bien envahissante, et que le fait d’acquitter un prix d’entrée global pour entrer dans l’endroit fait penser à une réserve urbanistique et bien rodée au tourisme, ne boudons pas notre plaisir (à noter, pour faire écho aux récentes controverses en France sur le sujet, que la clé pour pénétrer dans tous les sites de cette ville est la reconnaissance faciale : votre visage est scanné à l’entrée du site et sera votre passeport pour les différentes visites).

Cet endroit est magnifique. Parcouru de canaux au point qu’elle est surnommée « Venise de l’est » (vous noterez l’importance des références à l’Europe, encore).

Il fait bon déambuler dans cette Venise miniature, hanter les berges et les ponts pour voir ces beaux édifices dans leur pierre blanche et leurs toits de tuiles grises. Avec bien sûr toute cette nature qui s’invite partout, nous sommes au printemps, elle reprend le dessus sur les pierres.

Dans cette journée mi-grise mi-soleil, c’est une bien belle promenade.

Un des ponts
Ligne de fuite d’un canal au milieu des maisons blanches et des arbres échevelés
Paix de la nuit qui descend sur l’onde
Immanence de la nature

Evidemment, l’invasion du tourisme a conduit à rentabiliser tous ces canaux, qui se retrouvent désormais embouteillés de ces bateaux « typiques » tous similaires, dédiés au transport des touristes.

Avec des saule pleureurs en surplomb, qui semblent bien s’en moquer

La nourriture est bien appétissante, elle nous présente des spécialités d’ici, en premier lieu les jarrets de porc Wansan, mijotés des heures avec beaucoup d’épices, anis étoilé , fenouil, cannelle, clou de girofle, gingembre. La ville embaumait… Je n’ai pas pu goûter ce plat, mais les nouilles au cou de canard que j’ai mangées étaient excellentes également.

Ils ont belle allure, n’est-ce pas ?

Et puis ces petits gâteaux de riz gluant, fourrés de pâte de haricot rouge ou nature.

Ce qui me change de ma capitale austère et collet monté, ce sont ces restaurants et commerces ouverts sur l’extérieur (bien sûr le climat y est pour beaucoup), parfois entièrement vitrés, qui font vaciller la notion de dedans/dehors. En fille du sud, j’adore… Et j’ai (longtemps) paressé dans un de ces endroits, au creux d’une fenêtre donnant sur un canal, au prétexte de me sustenter.

Un restaurant ouvert sur un canal

N’oublions pas la culture, nous sommes connus ici, les Français, pour adorer les vieilles pierres et l’histoire (plusieurs guides me l’ont dit), alors faisons honneur à notre pays !

Car cette petite ville, au-delà de toutes ces beautés extérieures, recèle un patrimoine vraiment intéressant.

Le clou de votre visite doit être la Maison Shen (une autre maison mérite votre attention, la Maison des Zhang, magnifique aussi – Mais je dois faire des choix). Construite au milieu du XVIIIe siècle par les héritiers d’un très riche marchand, Shen Wanshan, elle compte plus de cent pièces (dont on ne peut voir qu’un dixième, c’est déjà impressionnant) autour de sept cours, sans compter les petites cours intermédiaires entre les bâtiments, plantées çà et là d’un arbre bien poétique.

Petite cour intermédiaire aux pavés raffinés
Echappée sur les toits entre deux bâtiments

L’édifice s’ouvre sur un hall de réception décoré, qui vise à impressionner les nouveaux venus.

Décorum du hall d’entrée

La conception de ces maisons est très particulière, vous entrez de plain pied dans une pièce solennelle et les chemins menant aux autres pièces sont presque cachés de part et d’autre de la pièce. Et vous franchirez un petit jardin intermédiaire avant d’atteindre la pièce suivante. Un presque labyrinthe qui empêche une circulation linéaire ; cela me paraît bien en accord avec ce que j’ai pu voir du fonctionnement des gens d’ici, peu de lignes droites, plutôt des sinuosités.

Ce procédé architectural nous fait profiter de magnifiques coursives de bois dans les allées adjacentes, ici le plus utilisé est l’ébène. Beauté de ce bois sombre, travaillé de manière spectaculaire.

Claire voies à l’infini

A l’étage, nous découvrons les quartiers d’habitation reconstitués avec un raffinement de détails, avec en majeure, toujours, cet ébène poli, à la fois sombre et lumineux.

La pièce de vie de la fille de la maison
Les quartiers de la servante
La chambre des maîtres de maison
Le bureau du maître de maison
La pièce dédiée à l’opium
Le salon de musique

Je fais quand même une petite incursion vers la Maison Zhang, pour vous montrer des jardins (qui étaient surpeuplés lors de ma visite de la Maison Shen, la reprise du tourisme chinois est très perceptible).

Un jardin qui donne envie de s’attarder
Idem pour cette paisible cour

Un clin d’oeil (et une pensée) pour l’employé qui doit prendre un bateau pour prendre soin des plantes disposées le long de la pièce d’eau.

Je vous emmène ensuite à la découverte du Temple taoïste Chengxu. Bâti sous la dynastie des Song entre 1086 et 1093, et sûrement « entretenu » à la mode chinoise ensuite, c’est un très bel endroit, rendu spectaculaire par les couleurs franches qui l’habitent.

Un Dieu guerrier vous accueille

C’est un temple actif, visité par des fidèles, dans ce bâtiment se tiennent des officiants en divination.

En clin d’oeil, le petit fétiche d’un des voyants

Mon itinéraire m’a également fait croiser le Théâtre, où sont organisés des spectacles de Kunju (opéra local). Dans la paix de ce ciel bleu, j’ai fait une halte pour écouter ces mélopées particulières.

Si vous envisagez d’aller à Suzhou, n’oubliez pas ce petit coin charmant, où il fait bon se promener.

FB