Depuis longtemps, je suis une voyageuse virtuelle dans les plans et les guides (je tiens cela de ma mère, je pense). Petite, je dépliais une carte et je rêvais à tous ces endroits mystérieux inscrits sur le papier (j’ai d’ailleurs visité des lieux simplement sur la promesse de leurs noms, Kuala-Lumpur en Malaisie, Tirana en Albanie ou encore Helsinki en Finlande). En Chine, notamment pendant l’année 2022, cela m’a bien servi pour trouver où échapper à ce presque confinement.
Cet endroit, dont je vais vous parler, je l’ai rencontré par hasard dans mes errances cartographiques. Un Temple tibétain chinois dans le nord de la ville, juste de quoi m’intriguer.
Attirée par cette promesse d’un temple aux tuiles jaunes vernissées, j’ai fait ma route en vélo vers le nord. Arrivée sur place, je me suis heurtée aux préposés à l’entrée, il fallait réserver et il n’y avait plus de billets ce jour-là. Nous étions plusieurs personnes le bec dans l’eau, moi et des locaux. Alors que j’allais reprendre mon vélo en me demandant vers où orienter ma promenade dominicale, une des préposées est venue vers moi et m’a proposé d’entrer brisant là toutes les règles de réservation (le reste des impétrants avaient quitté le lieu). Mystère des processus, infinie gentillesse des gens…
Dans la pureté absolue de ce ciel bleu que nous avaient restitué les coups de boutoir du vent (jusqu’à 26 kmh, de quoi vaciller sur son vélo), après un épisode de pollution inédit, les édifices avaient belle allure.
Le Temple a été construit à partir de 1651-1652 et a accueilli plusieurs fois la visite de Dalai Lama et Panchen Lama. Il a connu bien des additions, notamment au XVIIIe siècle, sous le règne de l’Empereur Qianglong. Je ne jurerai pas qu’il n’ait pas été restauré ensuite, mais il garde beaucoup d’authenticité.
La première cour est déjà bien belle, vous pouvez là aussi jouer au jeu des sept erreurs pour distinguer les subtiles différences par rapport à un temple bouddhiste 佛教 chinois classique. Vous ne trouvez pas ? Il y a d’abord ces toits bicolores où le jaune fait part égale avec le vert, alors qu’il est plus discret dans les temples purement chinois. Et puis ces mâts, arborant des farandoles de tissus multicolores, que j’avais déjà vu à Chengde dans le temple Putuo Zhongcheng, lui aussi très tibétain dans sa conception (voir mon article sur Chengde).

Le temple est en fait un musée, dont je n’ai pu saisir l’intérêt, les cartons étant en chinois et en tibétain… J’ai quand même compris qu’il s’agissait d’une célébration des bonnes relations entre les deux pays (?). Même si j’ai regretté que mon niveau de chinois (ne parlons même pas de mon niveau de tibétain 😉 ) ne me permette pas de comprendre cette sûrement passionnante vision chinoise de l’histoire.
Le carton d’introduction, lorsque vous entrez dans le temple vous donne déjà un bon aperçu de l’orientation idéologique, lorsqu’il affirme (traduction anglaise du chinois, dont je tente ici une traduction française, vous me suivez ?) : « Le Temple jaune est un temple impérial important, géré par la Cour des affaires coloniales sous la dynastie des Qing. En tant que lieu de prêche pour le Dalai Lama et le Panchen Lama à Pékin, il occupe une place significative dans le Bouddhisme tibétain. Pendant des siècles, le temple a servi comme un pont qui unissait le Tibet au Gouvernement central et il démontre que le Tibet est depuis longtemps part intégrante de la Chine ». Si ce n’est pas clair…

J’étais venue là pour voir un temple, j’ai tourné le dos à ce musée qui m’était hermétique, pour faire ma route parmi les édifices. Le premier hall était assez classique, vu de l’extérieur, ne serait-ce qu’un détail.

Je me dirige ensuite vers la Porte des fleurs ployées (je n’ai pas trouvé de meilleure traduction pour Door of hanging flowers), construite en 1782, au-delà de laquelle nous apercevons déjà cette pagode si représentative des temples bouddhistes tibétains.
Toute de bois construite, elle nous montre quelque chose de spécial, ces perles bleues et dorées qui ponctuent la façade.
Comme dans tous les temples, passer cette porte (par une entrée latérale ici), nous amène dans une autre cour, ces endroits sont faits de franchissements successifs de seuils, menant à de petits endroits clos sur eux-mêmes, autour d’un hall central de dévotion, qui ont tous leur personnalité.
Et puis nous voilà face au Grand Hall de Bouddha, édifié en 1927 (oui, ici la chronologie n’est pas évidente pour nous, nous pouvons passer en quelques dizaines de mètres du XVIIIe siècle au XXe siècle, ce qui vient secouer nos représentations historiques occidentales…).
A l’intérieur, une explosion de couleurs nous accueille. Cette religion semble empreinte de joie et de beauté, elle m’a beaucoup touchée dans son authenticité sans sophistication.

Et puis la voilà, cette pagode blanche, toute ornée de bouddhas et autres sculptures, elle se nomme Qing Jing Hua Cheng Ta 清瀞化城塔, et a été bâtie en 1782, sur un modèle indien.
Et enfin, au nord du site (les temples sont toujours orientés sud vers nord), le Pavillon de la sagesse parfumée, qui clôture l’ensemble. Il a été restauré en 2008, mais rien n’est dit sur la date de son érection.
Des coursives serpentent le long de ce bâtiment en L.
A l’intérieur, sans que je n’ai compris la signification de ces innombrables niches (ici il faut s’habituer à laisser planer le flou, ce qui n’est pas toujours simple avec notre esprit cartésien qui veut tout comprendre, et à accepter la beauté telle qu’elle est), j’ai découvert des pièces bigarrées magnifiques. Nota: grâce à un lecteur éclairé, j’ai découvert qu’il s’agissait d’une bibliothèque, chaque niche abritant un rouleau protégé par un étui de tissu.
Après cette belle promenade, assez inattendue, j’ai repris ma route sur mon vélo, tout en admirant le jeu des nuages et des arbres dans le printemps qui s’annonce.
FB
Les rouleaux-livres sont fort bien protégés, et j’aime le détail des portières matelassées ( à retenir ). Il faut de nombreuses personnes pour tout entretenir à la perfection. Merci ! amicalement 🙂