Pékin – Musée de l’artisanat d’art 中国工艺美术馆 (2023)

Voilà un musée que j’ai trouvé par hasard au gré des mes pérégrinations virtuelles en ligne sur les cartes de Pékin. En cette journée de fête des lanternes 元宵节 qui clôture le nouvel an chinois (cette année le 22 janvier), il est de tradition de sortir la nuit en famille pour se promener une lanterne à la main. Cette célébration, très ancienne (deux siècles avant notre ère) a pour origine la colère d’un Dieu qui menaçait d’anéantir la terre le 15e jour lunaire (c’est à dire 15 jours après le nouvel an) ; les habitants ont alors eu l’idée d’accrocher des lanternes partout et de tirer des pétards, le Dieu a eu l’impression que la terre était déjà en proie à un immense incendie et s’est retiré. C’est donc une fête de sauvegarde, par rapport à un Dieu pas très malin, convenons-en.

Il est traditionnel ce jour-là de manger des tang yuan (汤圆), de petites billes faites de riz glutineux farcies au sésame, à la crème d’oeuf, à la viande, ou autre, cela dépend, servis dans un bouillon sucré, c’est délicieux ! Inutile de vous dire que j’ai sacrifié bien volontiers à la tradition…

Les supermarchés en font des têtes de gondole – ceux-ci sont à l’aubépine

Le musée dont je vais vous parler est proche du site des Jeux Olympiques de 2008, au nord de la ville. Quand j’ai émergé du métro, j’ai vu une vraie foule, cela va vous paraître bizarre que je remarque cela, mais en 2022, j’ai souvent arpenté une ville fantôme et cela fait du bien de voir du monde et même de se faire bousculer dans le métro ! Bien des gens semblaient être de sortie pour célébrer ce jour particulier.

Lanternes de jour
Et là on s’apprête à danser
Au loin, la flamme olympique sur lit de glace

Le musée lui-même est immense, je peux m’en rendre compte depuis l’extérieur, tandis que je vais mon chemin.

Bientôt le dégel, les températures ne sont plus négatives que la nuit

Ce lieu s’apparente à un musée des arts décoratifs, l’objectif est de montrer toute la beauté de l’artisanat d’art en Chine, au travers de ses réalisations les plus abouties. Inutile de dire que cela se teinte ici d’un fort nationalisme, qui vise à démontrer une supériorité de la nation chinoise, comme nous y invitent les cartons introductifs. Le musée fait face au Musée du Parti Communiste chinois, que j’ai déjà chroniqué ici, hasard ? Coincidence ? Je ne crois pas.

Après avoir baragouiné en chinois avec deux gardes pour entrer (ravis que je puisse ânonner quelques mots), l’ampleur des lieux me saisit dès le début.

Bon la photo est prise du premier étage, vous ne m’en voudrez pas…

Je ne savais pas ce que j’allais voir et j’ai été très heureusement surprise. Car j’ai eu le plaisir de découvrir des chefs d’oeuvre, oui, même si certains peuvent être considérés comme très chargés du point de vue occidental. Nous sommes dans une autre culture, adaptons-nous ! La beauté est un concept culturel qui ne transcende pas les frontières ni les époques ; visiter la Chine en la jaugeant à l’aune de nos valeurs culturelles/sociales/sociétales occidentales fait peu de sens, à mon avis.

Dès l’entrée, la différence culturelle est visible avec ce lapin géant, année du lapin oblige

Le propos de ce musée est d’ancrer cet artisanat dans l’histoire, pour célébrer (encore une fois) l’excellence ancestrale du pays, même si les objets présentés ici sont plutôt récents.

La première salle d’exposition commence par ces tableaux brodés de soie, comme des peintures, un art que je n’avais jamais vu auparavant et qui révèle bien des beautés, sans mentionner l’immense savoir-faire des artistes.

Oui, tout est brodé ici
Et ici aussi, une virtuosité hors du commun, ce rouleau fait un mètre de long, j’ai sélectionné un détail
Un portrait de femme au fil de l’aiguille
Poissons sur fond de ville à l’horizon

Un incontournable ici, les objets en laque. Cette tradition, qui remonte à 3000 ans avant notre ère, servait à l’origine à imperméabiliser le bois à l’aide d’une résine bien particulière. Mélangée à des pigments, étalée en plusieurs couches successives (jusqu’à 18), qui doivent sécher dans des conditions bien particulières d’hygrométrie et de température, elle permet de créer des objets d’art que l’on peut sculpter en plus pour orner l’objet de décorations diverses.

Ainsi cette magnifique boîte sculptée en rouge
Mais aussi cette bien belle boîte que j’aurais bien aimé ramener dans mes bagages…

Un autre artisanat très apprécié est le cloisonné, qui consiste à appliquer de l’émail sur une base de métal. Comme pour les vitraux, on crée des alvéoles qui seront remplies d’émaux de différentes couleurs. C’est un art complexe, que je n’apprécie pas toujours, mais j’ai vu ici des chefs d’oeuvre.

Alternative en or, plus riche et plus chic
Là aussi, j’aurais bien ramené ces pseudo-pierres avec moi en France, magnifiques.

La porcelaine, art premier de la Chine, s’il en est, ne m’a pas frappée par sa beauté ici, à l’exception de ces canards mandarins, tels que je les ai croisés sur les lacs du nord, ici immortalisés sur une « toile » (je ne sais quel mot proposer ici). J’étais contente de retrouver mes petits amis aquatiques qui m’avaient accompagnées dans mes pérégrinations d’hiver.

Et de ce Bouddha 佛, tout de porcelaine blanche, aux plis de vêtements qui semblent s’alanguir dans un naturel parfait. Immuable, figé dans le kaolin qui lui donne forme, il semble pensif et rasséréné. Magnifique.

Et bien sûr le jade, oui le jade. C’est ici une matière qui s’assimile à l’or dans nos contrées. On en façonne bien des bijoux ou des objets, il existe toute une cotation liée à sa pureté. Son artisanat remonte à plus de 5000 ans avant notre ère et son caractère bénéfique s’ancre dans la mythologie chinoise autour de la déesse créatrice Nuwa qui aurait fait apparaître cette pierre dans les premiers temps du monde. C’est un matériau très difficile à travailler, de par sa dureté, ce qui rend encore plus remarquable les objets que j’ai vus ici.

Pour faire une parenthèse, le jade est très difficile à acheter en Chine, car les prix peuvent s’envoler si la pierre est estimée pure. Vous pouvez acquérir un objet, un bijou pour quelques yuans ou pour des sommes qui l’apparentent à l’or, voire au-delà. Nous autres pauvres Occidentaux sommes peu aguerris pour entrer dans ces subtilités ou pour distinguer le vrai du faux.

Je fais quand même confiance à ce musée, institution reconnue, sous l’égide du Parti, pour nous présenter d’authentiques chefs d’oeuvre 🙂 .

Merveilleuse finesse des ornementations
Théière et tasses, tellement translucides
Ces pagodes ont presque un mètre de haut, stupéfiant

Viennent ensuite les sculptures sur bois, si précises dans leurs détails. Même si nous revenons ici à un art que nous connaissons en Occident, j’avoue avoir été fascinée par la délicatesse de ces oeuvres.

Une partie d’une immense sculpture

La sculpture sur ivoire est également magnifique. Jugez-en avec cette danseuse aux mouvements gracieux, qui pourrait s’envoler d’un moment à l’autre vers le ciel. La fine ciselure du matériau est au diapason avec la légèreté de la danse.

Les oeuvres exposées n’ont pas oublié la célébration de la grande histoire chinoise, il est assez fascinant de voir ces petits moments d’héroïsme immortalisés dans l’ivoire ou le bois.

Et puis, le Grand Homme

Ma dernière image a été ce Bouddha de porcelaine, hiératique dans sa majesté, adossé à la ville sur laquelle le soleil couchant dardait ses derniers rayons.

Et puis j’ai repris mon chemin, forte de ma belle expérience.

FB