C’est l’automne à Pékin, cette saison si courte qui nous conduit tout droit vers un hiver sûrement bien froid. Il faut profiter de la nature avant qu’elle ne s’endorme jusqu’au printemps. C’est pourquoi j’ai fait ma route samedi jusqu’au Jardin botanique de la capitale pour admirer les chrysanthèmes et les gingko biloba revêtus de leur robe d’or. Les Pékinois vous le diront, c’est pour eux un rendez-vous annuel avec ces fleurs et ces arbres, ils vont vous vanter les endroits où il faut aller préférentiellement, certains tiennent pour le Temple du Ciel, d’autres pour le Parc Ditan, d’autres encore pour la Colline parfumée. Une vraie institution.
J’ai programmé ma visite un jour pollué, le niveau de PM 2.5 (l’indice pour mesurer le niveau des particules fines dans l’air) était de 180, alors qu’au-dessus de 50, il est considéré comme nocif (rassurez-vous, quand je regarde la France, elle est le plus souvent en-dessous de ces chiffres). La conséquence est une atmosphère un peu nébuleuse et une lumière assourdie par cet air pollué.
Revenons à notre propos.
Ce jardin, immense (400 hectares dont la moitié ouverte au public), a été fondé en 1955. Il m’a plutôt fait l’impression d’un jardin classique plutôt que d’un jardin botanique, mais cela n’enlève rien à mon plaisir de parcourir ces allées souvent peu empruntées qui jalonnent le site et vous donnent l’impression d’aller vers des endroits mystérieux.
C’est un ensemble immense à parcourir, comme la photo ci-dessus vous le laisse entrevoir, mais vous pouvez recourir à des navettes ou, mieux à des petits trains (ils sont faits pour les enfants, mais ont une allure irrésistible).
Si je suis venue ici à ce moment précis, c’est pour voir les chrysanthèmes, ces fleurs qui sont associées à la mort pour nous qui honorons nos disparus avec des bouquets de ces fleurs, et qui sont en Chine tout le contraire, elles représentent la longévité, le bonheur et la durabilité (à noter que l’infusion de cette fleur est réputée calmer la fièvre et favoriser la digestion).
Chaque année, à cette époque, certains jardins se couvrent de parterres colorés, qui attirent les foules, dans une explosion de couleurs. Il faut dire que les petites mains jardinières n’ont pas lésiné sur le travail, repiquant des centaines de pieds de ces fleurs, sûrement issues de serres. Le résultat est assez éblouissant.
Ces fleurs s’invitent même dans d’autres endroits du parc, comme ici, en bordure de cette pièce d’eau, où elles créent un écrin bien coloré, 很漂亮, très beau ai-je entendu une visiteuse dire.
J’ai croisé ici beaucoup de familles et bien des enfants, c’est une sortie familiale, où l’on pousse aussi des fauteuils roulants pour emmener les anciens profiter de cette belle saison. J’ai d’ailleurs assisté à un moment bien émouvant, un couple d’âge moyen convoyait la mère de l’un des deux, en fauteuil ; elle avait l’air bien éteint, presque triste, jusqu’au moment où la femme l’a installée au bord d’un lac pour prendre une photo d’elle, le visage de la vieille dame s’est alors comme éclairé, elle s’est redressée comme dans un élan de jeunesse, devenue belle et comme revenue à la vie.
Je vous livre ici quelques clichés d’enfants qui m’ont touchée.

L’autre beauté du lieu sont ces Ginkgo (symbole de longévité) et autres arbres qui se parent d’or, l’automne venant.
Ils n’ont pas tous fini leur mutation, certains résistent et tentent encore de conserver leur verte couleur du printemps, ce qui nous fait des contrastes bien intéressants.

La promenade m’éloigne ensuite de ces fleurs (elle m’y ramènera ensuite), car je fais voile vers le nord du parc, pour aller voir le temple qui fait la limite septentrionale du parc. Au passage, je croise ces paysages presque sauvages, encadrés de montagnes.

Chemin faisant, je croise des lacs, l’endroit est bien grand (j’aurais fait dix kilomètres au total ici).
Le deuxième lac est imposant, il s’ouvre sur les montagnes, et la perspective nous permet mieux d’appréhender le changement qui s’est emparé de la nature, comme une transmutation du vert au jaune.
Au fur et à mesure que j’avance vers le temple, je les traque, ces arbres d’or, qui rutilent dans les rares rayons de soleil. Ils sont si beaux.

Mais je m’intéresse aussi à leurs congénères, bien inconnus de moi.

Presque arrivée à destination, je vois cette porte intrigante, conduisant à un endroit presque mystérieux, je me laisse tenter par l’invitation.
Ici se trouve la tombe d’un seigneur de guerre, Sun Chuanfang 孙传芳n (1885-1935) surnommé le « Seigneur de guerre de Nankin », assassiné par la fille d’un commandant militaire qu’il avait fait décapiter dix ans auparavant. Violence et grandeur de l’Histoire.
Voilà le temple Wofo 卧佛, soit du Bouddha incliné, l’entrée me rappelle bien des portiques déjà vus et toujours aussi beaux.
C’est un temple charmant, adossé à la montagne qui semble avoir poussé au milieu de la nature, tellement les arbres l’encadrent.
En repartant, je vois cette structure si étonnante, je me suis cru quelques instants dans un film de science-fiction (vous savez, quand les aliens sont sur le point d’envahir la terre) avant de réaliser qu’il s’agissait de la serre centrale. Plus de peur que de mal…
Et avant de finir mon périple, je croise un endroit presque caché où je découvre une exposition des plus belles fleurs de chrysanthèmes, un peu comme un palmarès. Elles sont un peu décaties, il fait chaud, mais cela n’empêche pas la foule de se presser pour prendre en photo ces stars.
Une bien belle balade, entre des mondes différents, que le nom de « Jardin botanique » ne recouvre pas tout à fait.
FB
Encore une bien jolie visite. Merci à toi. 😀
Un ravissement pour les yeux que cet aparté au cœur d’un jardin de « fleurs d’or ».
🙏