Entre deux voyages hors de Pékin, j’ai repris fin juillet mes pérégrinations aventureuses dans la capitale. Elles semblent inépuisables, tellement la ville est immense (je vous rappelle, 165 fois la superficie de Paris, tout un monde à découvrir, si vaste).
Cette fois-ci, j’ai pris un taxi pour aller visiter la vieille ville de Wanping, comme une enclave ancienne sise au milieu de toute cette urbanité qui ne cesse de croître. 40 minutes de route, quand même (pour la modique somme de 10 €).
Elle a été édifiée sous la dynastie des Ming, vers 1640 (et assez retouchée depuis, bien sûr) comme ville forte destinée à faire face à une rébellion de paysans à l’époque. C’est maintenant le seul ensemble urbain de Chine à avoir conservé deux portes qui ferment la rue principale à chaque extrémité ; enserré par des murailles , il mesure 640 mètres sur 320 mètres et forme un rectangle tout à fait inédit sur le plan de la ville.
Les vagues successives de l’urbanisation, impitoyables souvent ici, ont épargné ce petit endroit fermé sur lui même et qui semble appartenir à une autre géographie. Il est maintenant enserré entre des voies rapides et des tunnels qui lui font un horizon bien décalé.
Après avoir longé des frondaisons qui laissent à peine voir un bout de mur, j’entre de plain pied, si je puis dire, dans le vif du sujet, en passant sous la première porte, dite « Porte majestueuse » (威嚴 門) que j’emprunte pour accéder à cet endroit. J’ai l’impression de pénétrer un autre monde…
Me voilà dans cet endroit qui paraît un peu étrange quand on vient de l’extérieur, une rue droite orientée est/ouest, bordée de toutes ces constructions, certaines anciennes, certaines bien retouchées, mais tout cela a belle allure. Et surtout, l’impression d’être hors du temps réel de la ville… Je parcours avec vous cette artère.


Malgré la chaleur qui alanguit plantes, animaux et humains (dont moi !), la promenade est bien plaisante.
J’ai tenté ma chance pour aller voir le musée dédié à la guerre sino-japonaise (« Musée de la guerre de la résistance du peuple chinois contre l’agression japonaise »), mais j’ai fait un flop, car je n’avais pas réservé… Pour une fois, c’est rare, le garde n’a pas été accommodant.
Car il faut vous dire que cette « ville-musée », ce petit lieu préservé dans la ville en croissance est un symbole de la guerre entre le Japon et la Chine, qui a fait 20 millions de morts du côté chinois. Cet horrible conflit est décrit par l’écrivain Lao She dans son livre « Quatre générations sous le même toit » qui raconte la vie (et la mort) d’habitants de Pékin sous le joug des Japonais (je ne peux qu’en recommander la lecture).
Nous sommes là à l’origine du conflit, un incident bête, pardonnez-moi cette expression, mais c’est la réalité, ayant déclenché cette guerre majeure (bien des événements mineurs sont des déclencheurs de guerre, c’est l’étincelle finale qui met le feu aux poudres depuis longtemps amassées). Nommé « Incident du Pont Marco Polo », du nom de ce pont sur la rivière Yongding (en chinois, Pont Lugou, 芦沟桥) que nous allons voir bientôt, il met en scène le pseudo enlèvement d’un soldat japonais par les Chinois (en fait il avait fait un détour par une maison de passe et a réapparu deux heures après, n’empêche, le mal était fait – j’adore cette histoire !). Ainsi, le 7 juillet 1937 fut déclenchée la seconde guerre sino-japonaise qui va durer jusqu’en 1945.
L’endroit est devenu un mémorial pour les Chinois d’aujourd’hui ; si vous mentionnez « Wanping » auprès d’un Pékinois, il pensera immédiatement à cette guerre.
En fin de parcours, j’arrive à la porte ouest, Shunzhimen (順治 門) qui donne accès au fameux pont.
Tout de suite, l’ambiance se fait guerrière et commémorative. Canons et sculptures qui rappellent les faits historiques dans toute leur puissance d’acier et de pierre.



Et puis le pont. Perdu lui aussi dans cette immensité de béton qui l’a îloté et réduit à une survivance historique presque folklorique dans ce pays qui avance sans cesse vers son avenir. Le rapport à l’histoire, ici, ne cesse de me surprendre, il est tellement loin de nos gabarits.
Ce pont de granit, tout à fait inédit ici avec ses allures de Pont Neuf (référence parisienne), a été construit au XIIe siècle sous la dynastie des Jing et restauré au XVIIe siècle. Son surnom vient du fait qu’il a été mentionné par Marco Polo dans ses récits.
Je refais mon chemin à l’envers pour aller prendre un bus et rentrer chez moi, après cette bien belle balade.
FB
Merci pour ce passionnant reportage – il faut vraiment être bien motivée, car cela représente de longues marches sur les ponts – et les rues. Ici, c’est l’étrange canicule, et les plantes sont sacrifiées, car il n’est plus possible et même interdit – d’arroser. Quel dommage, je pense aux roses, etc…
Bel été – amicalement 🙂
J’aime beaucoup le pont aux lions. L’ensemble donne l’impression d’une ville soignée.
Un pont trop loin… Pour moi. 😉
Mais à nouveau un très beau reportage qui nous replonge dans le souvenir de ce terrible conflit sino-japonais.
A bientôt.
Peut-être qu’un jour je trouverai le moyen de réserver une entrée au musée, les voies chinoises sont parfois impénétrables…