Vous aurez compris que dans toutes ces contraintes qui nous entourent, nous ne sommes pas des aventuriers de la semaine, mais nous réservons aux week-end nos escapades, préparées à l’avance. Ce dimanche, j’ai encore suivi les conseils de mon équipe (merci Anne), car c’est parfois un casse-tête d’aller voir des parcs, il faut savoir s’ils sont ouverts et aussi s’il faut réserver et, si c’est le cas, nous nous heurtons souvent à l’impossibilité d’enregistrer un numéro de passeport, car ça ne rentre pas dans les cases, comme dirait Zézette (Ai-je besoin de préciser que j’emprunte cette si sage citation au chef-d’oeuvre « Le Père Noël est une ordure » ? J’espère que non, sinon révisez vos classiques !). J’ai pris le métro, cette fois-ci, car en vélo cela ne me semblait pas raisonnable, 2 h de trajet avec bien de l’orage à l’horizon.
En chemin j’ai croisé ce livreur, en train de réorganiser ses paquets. Si vous commandez des denrées périssables, soyez prévenus !

Après avoir cheminé bien longtemps dans cette atmosphère poisseuse, 33°C au compteur, bien humide, de ces moments où vous ruisselez sans même rien faire, j’arrive à l’entrée, je réussis à prendre un billet et là m’attendent bien des surprises heureuses.
Tout d’abord ces bâtiments néo-classiques qui ne dépareraient pas en Europe. Pierre blanche, gris des tuiles, édifices imposants, nous sommes en limite de Chambord, mâtiné d’un je ne sais quoi de toutes les époques architecturales européennes. Une réinterprétation locale qui a du chien, encadrée par une nature encore verdoyante, avec des fleurs qui sont bien belles malgré les boutoirs de la chaleur.


Et bien sûr, ce décor de rêve convoque des mariés, venus là faire la photo de leur vie, dans leurs costumes du jour de leur vie (nous leur souhaitons d’ailleurs, au nom du blog, tout le bonheur du monde).



Je vous invite à me suivre dans un des plus grands parcs de Pékin, 267 hectares ouverts au public et 513 hectares en tout, conçu en 2013 pour la neuvième exposition internationale de jardins en Chine, le long de la rivière Yongding. Il est agencé autour de micro-jardins censés représenter 69 villes chinoises et 37 villes du monde. Tout un projet assez enthousiasmant pour le visiteur, d’autant plus que le parc est presque entièrement pour moi seule. Au vu des distances, de la chaleur et de mon smartphone en bout de vie de batterie, surtout, j’ai été obligée de rebrousser chemin après avoir arpenté environ 1/5e du parc. Je reviendrai. Mais je vous livre ici le début de mon exploration.
J’ai été étonnée, vu l’accablante chaleur, de trouver des fleurs qui respirent encore. Mais oui ! Les cosmos avec leurs nuances violettes et toutes ces autres fleurs que je saurais nommer, portaient haut les couleurs de la nature.

Et en quelques mètres, nous passons de Louis XIII/Louis XIV (restons un peu prudents et approximatifs quand même), à tout l’Orient, qui nous accueille du haut de tous ces arcs outrepassés, de ce minaret et de ce bulbe vraiment représentatifs. Ne me demandez pas de définir le siècle ou la région, j’en serai bien incapable (et je ne suis pas sûre que le constructeur pourrait mieux vous éclairer). Disons que nous sommes face à des archétypes, des images d’Epinal et nous serons assez proches de la vérité, je pense. C’est quand même bien surprenant et intéressant.
Après viennent des jardins dédiés que j’ai évoqué plus haut, de petits endroits en vase clos, souvent très beaux. Le premier me ravit, ce labyrinthe de vert cru me conduisant, en faisant bien des mystères, à ce que j’ai identifié comme un jardin japonais (ma carte est assez imprécise, et de plus, en chinois, deux difficultés qui ne m’ont pas toujours permis d’identifier où j’étais).
Juste après, une aire de service s’orne d’un graff, genre pictural tout à fait inédit dans la capitale.

Je m’offre une petite incursion hors de la zone touristique, contournant la boutique officielle, pour aller voir ces dernières roses luttant désespérément contre la suprématie des splendides fleurs jaunes. Avec au loin la silhouette d’une autoroute, comme pour vous rappeler que vous êtes dans un lieu urbain.
Un endroit de choix pour se délasser, venir lire son livre favori à l’ombre d’une imposante sculpture.
Ou prendre une glace en terrasse.
Et puis, comme presque toujours en Chine, ces improbables structures qui hantent les parcs ou leurs abords. Une sorte de melting-pot d’architecture bien d’ici (quand je pense aux controverses autour du Centre Beaubourg ou du nouveau Musée du Louvre à Paris, je me sens dans une dimension bien différente ; ici, comme je l’ai déjà expliqué, le respect du patrimoine ou de l’environnement esthétique n’endosse pas les mêmes codes).

Presque sans transition, je pénètre dans le jardin de Nanchang (préfecture du Jiangxi). Sinuosité d’une allée empierrée, rondeur douce des buis qui s’égrènent en bordure, harmonie de tous ces verts lumineux, c’est un endroit reposant et beau.



Le jardin de Shanghai invite à la méditation, enfin un endroit où se poser, qui donne bien envie de revenir pour partager un repas en plein air, abrité sous la frondaison verte des arbres.

Vient ensuite le jardin de Hefei, ville de l’Anhui, province du sud. Pierre grise adossée à la poésie de tous ces arbres verts.



Le jardin de Guiyang, capitale du Guizhou, dévoile un portique et des statues de granit, bordées de fleurs roses. Et surtout ces curieux piliers à tête de félin, à l’expression immuable.
Le jardin de Taiyuan, préfecture du Shanxi, province du centre de la Chine, vient juste après. Après avoir passé un portique emblématique, nous pénétrons dans un monde presque aquatique, des pavillons qui jouxtent un lac miniature, très beau.

Le jardin de Jingwen est dédié à l’agriculture, tout ici rappelle les outils agricoles, l’entrée de bois nous rappelle à la nature. Et les claustra de bois eux aussi sont superbes. Une incursion dans le développement durable ?



Le jardin d’Urumqi nous accueille en face du précédent. Nous sommes dans l’oeil du cyclone car c’est la préfecture du Xinjiang, province sur laquelle tous les projecteurs occidentaux sont braqués. Restons en à une promenade sans arrière-pensée, à cette architecture musulmane qui se révèle sous la belle nature. J’ai apprécié de cheminer dans ces sinuosités de pierre ocre, bordée de ces arbres rebelles…


Le jardin de Hefei (je pense que c’est celui-là), était sans doute l’un des plus beaux croisés sur ma route, ourlé de délicates frondaisons vert tendre ou rousses, dans le ciel qui laissait enfin apparaître son manteau bleu.
J’ai croisé une de ces travailleuses qui oeuvrent pour rendre ces endroits plus beaux, et j’ai eu avec elle un début de discussion : voyant que j’étais accablée par la chaleur, elle m’a dit « 很热吗? », soit « il fait chaud, non ? Ce à quoi j’ai répondu, car cela me semblait une évidence « 对很热你说得对 » « Oui vous avez raison il fait chaud ». Cela doit vous paraître ridicule, mais c’était pour moi une victoire de comprendre une personne de la rue et de répondre, comme disait France Gall « c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup ». Toujours est-il que j’affirme et affirme à nouveau que les gens ici sont gentils avec les étrangers. S’ils ont parfois un peu peur (normal, avec ce gouvernement qui matraque que l’horreur, soit le Covid-19, vient de l’étranger), ils se montrent en général tellement aidants. Je ferai ici une parenthèse pour appuyer mon propos : le même week-end, je me suis rendue dans un petit magasin de primeurs, où j’allais souvent prendre mes fruits de la journée avant que notre bureau ne déménage. En entrant dans la boutique, la vendeuse m’a saluée d’un « 好久不见 » (hao jiu bu jian, cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas vues). Un accueil chaleureux et sincère qui m’est allé droit au coeur. Mais je m’égare. Revenons à ce beau jardin.
Refaisant ma route à l’envers pour rentrer, je croise le jardin dédié à Macau. Comme j’ai eu l’occasion de visiter la ville, j’ai pu apprécier le condensé présenté ici, (presque) tout y était, sous forme parfois symbolique.

En repartant, je vois ces acteurs si étranges et beaux.
Etre obligé de parcourir un espace clos (de quelques 135 kms carré, n’exagérons pas notre enfermement) a du bon, je découvre des endroits étonnants. Je fais, finalement, une autre expatriation que mes prédécesseurs, rétrécie en 2020 à la Chine, plus question de partir pour l’Asie, et maintenant il s’agit de rester dans cette ville. Quand elle nous offre ce genre d’échappée, je dis que je n’ai pas perdu au change.
FB
Un voyage magnifique – merci pour les nombreuses photographies et le texte aussi élégant que plein d’humour- ravie que vous puissiez échanger avec les locaux 🙂 Bel été – amicalement
Merci beaucoup, cela donne envie de publier plus !