Chine – Pékin Musée national de Chine, Covid19 et exposition sur le fleuve Yangtze 长江 (2022)

Avant de vous emmener avec moi dans la sphère de l’art, il faut que je vous raconte mon périple plutôt dans le registre de la sphère sanitaire.

La semaine dernière, à Pékin, nous avons subi trois rounds de tests PCR, les 25, 27 et 29 avril. Et bien sûr, cela a permis de découvrir des cas de Covid19 et d’augmenter le nombre de zones à haut risque et à risque modéré dans la capitale (suivant en cela le précepte bien connu : quand on cherche on trouve). Alors que le nombre de cas décline dans tout le pays, des mesures strictes ont été prises à Pékin, fermeture des restaurants pendant les fêtes (qui vont jusqu’au 4 mai inclus) et obligation de présenter les résultats d’un test PCR négatif de moins de 48 heures pour rentrer dans la plupart des établissements publics. Je ne regrette pas ce très agréable déjeuner pris avec des amis en terrasse le 30 avril.

En bonne élève, je suis allée le matin du 1er mai faire un test PCR (je dois en refaire un le 3 mai puis le 4 et le 5 mai, magie de la répétition). J’appréhendais un peu, car nous avons tous en tête des queues de plusieurs heures (la Directrice juridique de ma société a fait quatre heures et demi de queue le week-end dernier, avec son bébé, pour être testée dans sa résidence). Mais là, aucun problème.

Comme on dit en Chinois 一个人没都来, personne
Là, je sens qu’on m’attend
Diversité de la Chine, à gauche le centre de test dont je sors, à droite un shooting de mariage devant une église catholique très photogénique coincée entre deux centres commerciaux !

J’avoue avoir hésité un peu pour aller au musée, j’avais pris une réservation avant ces nouvelles annonces et maintenant tout vous pousse à éviter de sortir. La menace est partout. Par exemple, la notion de cas contact : dans une résidence, il y a eu un cas au 31e étage et les habitants ont été classés en trois catégories :

  • ceux qui habitent au 31e étage ont été emmenés dans un hôtel de quarantaine centralisée pour 14 jours et ils devront ensuite faire une semaine chez eux en suivant leur température quotidiennement et avec des tests PCR réguliers
  • les autres résidents seront enfermés 14 jours dans leur appartement suivi de 7 jours de surveillance de l’état de santé
  • les visiteurs devront s’isoler 7 jours chez eux puis suivre leur état pendant 7 jours (température et tests PCR)

C’est à la fois risible, ce déploiement de consignes complexes et à la fois cela fait un peu froid dans le dos. J’ai failli renoncer, puis je me suis rappelée que, dans tous les cas, puisque j’avais pris un billet, même si je n’allais pas au musée et qu’il y avait un cas là-bas, je serai réputée y avoir été et je me retrouverai en quarantaine (c’est arrivé à une employée de notre entreprise). J’ai donc décidé de vivre ma vie, tout en évitant les risques sur le chemin, bien sûr.

Nous avons une application qui nous montre les zones à risque dans la ville. Il faut absolument les éviter, car avec l’imprécision du GPS qui vous trace, si vous passez à côté d’une zone rouge, vous pouvez avoir une neutralisation de votre « health kit » (pass sanitaire) qui vous empêchera d’aller dans n’importe quel endroit public. Certains collègues la semaine dernière ont été obligés de faire demi-tour et de s’enfermer chez eux jusqu’à plus d’information. Là aussi, aléas des mesures, certains ont pu retrouver un pass sanitaire de plein exercice après une journée et d’autres sont en quarantaine chez eux pour 14 jours.

Mon appli de survie, je suis le point bleu, bien menacé…

Arrivée au musée, j’ai dû me plier à bien des formalités. D’abord montrer mon passeport, le résultat de mon test PCR, mon health kit et ma réservation. Puis de nouveau le passeport et le health kit. Puis contrôle de sécurité des affaires et fouille corporelle. La culture est à ce prix !

Densité des barrières et des contrôles
Et on vous soumet à une sorte de fumigation bizarre.

Et puis me voilà enfin dans cet établissement culturel où tout redevient normal. Je passe en mode « Grand Palais », comme si je venais voir des oeuvres d’art en toute liberté (résilience de l’être humain…). Et je n’ai pas regretté cette incursion chèrement gagnée !

C’était la note de contexte, maintenant concentrons nous sur ce que nous allons voir ici.

Immensité du hall
Monumentalité des portes

Il me fallait choisir ensuite quelle exposition voir, le Musée est gigantesque et offre une douzaine d’expositions en parallèle. J’ai opté pour celle qui présentait le fleuve 长江 (littéralement : grand fleuve), soit le Yang-Tze-Kiang pour nous, anciennement « Fleuve Bleu« . C’est le troisième fleuve le plus long du monde et le plus long du monde à couler dans un seul pays, fort de ses 6380 kms. Il prend sa source dans les montagnes du Tibet puis fait son chemin jusqu’à la mer de Chine orientale. Comme partout ailleurs dans le monde, c’est un berceau de civilisation, l’eau c’est la vie, nous en avons une preuve avec l’Euphrate et le Tigre qui ont donné une des premières sociétés humaines en Asie.

Traversant onze provinces chinoises, ce fleuve a accompagné la croissance économique de la Chine et fait maintenant l’objet de préoccupations écologiques ; en décembre 2020, une loi de protection du Yang-Tze-Kiang a été adoptée en Chine, espérons qu’elle porte ses fruits.

Le fleuve traverse le pays d’Ouest en Est depuis le Tibet jusqu’à Shanghai

Voilà la première carte connue du fleuve, réalisée sous les Empereurs Qing (1644-1911), elle nous montre les méandres de l’eau dans toute la complexité des îles et des berges (et des caractères chinois, que je ne pourrais pas vous restituer vu mon niveau).

C’est un grand plaisir que j’éprouve à regarder ces cartes à la fois infinies et incomplètes, qui essayent de dessiner le monde. Toute cette humanité essayant de comprendre où elle se trouve, où sont les limites et comment est configuré l’univers qui les entoure, comme de petites conquêtes. Dans tous les cas, ces tâtonnements géographiques sont autant de moments de splendeur picturale.

Atlas de la rivière YangTse, époque Ming (1644-1914)

Le bruissement de la noria des petites jonques qui font leur chemin sur le papier nous enseigne toute l’importance du fleuve pour la construction de riches échanges commerciaux.

Atlas de la rivière YangTse, époque Ming (1644-1914)

Dans une autre de ces cartes au long cours, le plus souvent sur des rouleaux déployés, c’est l’architecture des rochers, qu’ils soient rives ou îles, découpant le paysage, qui est mise en valeur, dans un mode de représentation bien dans la manière picturale chinoise.

Epoque Ming (1644-1914)

Beauté des fragiles silhouettes dorées sur fond de bleu profond.

Paysage tout en or, XVIIIe siècle

En 1976, une expédition est partie vers le Tibet pour aller à la rencontre des sources de ce si grand fleuve. Voilà une photographie de l’expédition et un de leurs clichés originaux sur place.

Au gré de notre périple, nous croisons aussi de bien beaux objets issus de fouilles près du fleuve.

Masque trouvé dans la province du Sichuan (16e-11e siècle avant notre ère)
Dynastie des Han de l’Est (25-220)
Assiette avec scène de bateaux dragon, époque Ming (1644-1914)

Et puis nous arrivons à la modernité de cet impressionnant cours d’eau, dont nous allons mieux toucher l’immensité.

Ecluse sur le fleuve, à deux voies et cinq niveaux

Le fleuve, dont nous avons déjà perçu que la dimension utilitaire supplantait la dimension naturelle (mais cela a également été le cas sous nos contrées, les fleuves valaient par leurs ressources), devient ici un lieu de constructions industrielles.

Le Yang Tze Kiang c’est cela
Et aussi cela

Des barrages commencent à hérisser ses rives ainsi que celles de ses affluents, comme ici sur la rivière Hanjiang, où a été développé le projet de conservatoire de l’eau Danjiangkou, mêlant la construction d’un barrage pour contenir les inondations, des installations de trafic fluvial, d’irrigation et d’aquaculture.

WU Shi – Clair de lune sur la rivière Hanjiang (1977)

Le plus emblématique de ces projets est sûrement celui du barrage des trois gorges, qui a été décidé en 1992 et dont la construction s’est étalée jusqu’en 2012, jusqu’à mettre en service la plus grande centrale hydro-électrique du monde. Les chiffres donnent le vertige, plus de 2300 mètres de long, 185 mètres de haut, c’est un ouvrage aux dimensions vertigineuses, construit en un temps record pour dompter le fleuve et ses crues meurtrières (en 1931, 150 000 morts), au prix de centaines de milliers de déplacés (dont il ne sera pas question ici, vous le comprenez bien, sauf à mentionner que le gouvernement s’est bien occupé d’eux). Je vous recommande d’ailleurs sur ce sujet de voir le film « Still life » de Jia Zhangke (2006)

Photo extraite d’une vidéo de l’exposition
idem

Encore une fois, les expositions ici, lorsqu’elles sont sous-titrées en anglais, bien sûr, sont vraiment passionnantes. J’espère vous avoir embarqués avec moi dans ce périple fluvial.

FB