Chine – Peinture : WANG Jianguo (王建国), « Le vent souffle sur la terre » (2021)

A Luz Stella

J’étais déjà allée au Musée des Beaux-Arts de Pékin (中国美术馆, littéralement « Bâtiment des beaux-arts de Chine »), voir une exposition (il n’y a pas de collection permanente) sur le personnel soignant face aux épidémies, une bien belle balade, vraiment (voir article sur mon blog).

J’ai à nouveau réservé (à cause des jauges, c’est nécessaire, bien que le musée soit gratuit), ne sachant à quoi m’attendre mais prête pour l’aventure ! Et bien j’ai fait deux belles rencontres, avec des peintres exposés fugitivement (du 23 décembre au 3 janvier, cela vous donne une idée de la rapidité ici. Pensez, il faut faire l’accrochage de centaines de toiles, des cartons qui vont avec, pour une durée inférieure à deux semaines !).

Le peintre que je veux vous présenter s’appelle Wang Jianguo (Roi qui fonde une nation, traduction libre 🙂 ), je ne sais rien de lui, pas d’information préalable sur sa vie ou son oeuvre. C’est donc une rencontre brute sans contexte que j’ai faite ici.

Les oeuvres datent d’entre 2014 et 2021 ; une recherche rapide sur internet (où j’ai trouvé ma foi peu de choses, m’a mise sur la piste d’un Wang Jianguo né en 1964 – avec la photo de lui glanée au gré des salles, je peux faire mon Sherlock Holmes, parier que c’est le même peintre et lui donner un âge).

Non ce n’est pas une photo floue, c’est une peinture !

Car ce qui est merveilleux ici, c’est d’être secoué dans ses évidences. En France, à Paris, ou quand je voyageais en Europe et que j’allais voir des expositions artistiques (un de mes passe-temps favoris dans ma vie occidentale), j’avais tout un corpus de références, assez costaud je dois dire, qui me permettait par exemple de dater voire de localiser assez sûrement les oeuvres. Et là, plus rien, toute ma culture classique que je pensais robuste (et un peu routinière sûrement) s’effondre pour me permettre d’apprécier quelque chose de vraiment différent.

Ne vous y trompez pas, j’ai quand même essayé (résistance du cerveau) de raccrocher les fils culturels entre nos deux mondes.

Je ne vais pas être toujours capable de vous donner tous les titres des toiles que je vous montre, car ils étaient écrits en chinois et je ne suis pas encore au niveau.

C’est une peinture fiévreuse, pleine de matière et surtout qui capte la lumière d’une manière incroyable. Elle est hors temps dans nos critères, elle pourrait aussi bien dater des années 1980 que de notre actualité.

Elle m’a fait penser, curieusement, à Anselm Kiefer, ce peintre allemand né en 1945 et que j’adore, peut-être pour le gigantisme de certaines toiles et aussi pour la nervosité des touches portées. Certains sujets sont en également en coïncidences, faisant se rejoindre art allemand et art chinois dans une correspondance improbable.

Cette toile fait 3 mètres sur 8 – il est question de riz parfumé dans le titre (2021)
Anselm Kiefer – Field of the cloth of gold (2021)

Une belle série de tournesols, captés dans toute leur décadence que n’aurait pas renié l’artiste allemand.

Tournesols en août (2020)
Série de tournesols en août (2018)
Tournesols en août (2017)
Sunflowers | Anselm Kiefer | Guggenheim Bilbao Museoa
Anselm Kiefer – Tournesols (1996)

Arrêtons là le parallèle, car la peinture de Kiefer, se montre bien énigmatique parfois, renvoyant aux mythes ariens de l’Allemagne ainsi qu’à la religion juive. Et les toiles se font mystérieuses et parfois menaçantes.

Alors que cette peinture a pour premier axe central la représentation frontale de la nature, dans toute sa beauté mais aussi dans sa vitalité et sa dimension sauvage, comme indomptable, là où Kiefer n’introduit cette nature dans ses toiles que dans une forme sublimée et symbolique, comme un biais pour dire autre chose.

Ici les verts, blancs, rouges, jaunes et bleus semblent presque surgir hors de la toile tellement ils sont sublimés et saturés. Il est vrai que le « vent souffle sur la terre » et anime ces sujets d’un mouvement palpable, un peu comme chez Vincent Van Gogh.

Et toujours cette superbe manière de capter la lumière, on dirait que les tableaux irradient de l’intérieur.

Printemps (2019)
Nature près du fleuve (2015)
Chaleur du soleil (2020)
Champ de blé (2017)
Plage (2014)
Parc écologique (2018)

Puis viennent les personnes et leurs empreintes sur la terre, qui habitent peu à peu cet espace naturel presque transcendant. Ils en sont juste une composante, comme s’ils ne faisaient qu’être de passage et emprunter ce qui les entoure, dépassés par le milieu naturel qui les abrite.

Site de construction (2016)
Ville russe (2017)
Doux soleil d’hiver (2021)

J’ai pensé à Peter Doig, un peintre américain que j’ai beaucoup aimé quand je l’ai rencontré au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris il y a quelques années (voir article sur mon blog). Ils semblent avoir les mêmes préoccupations sur l’inscription de l’Homme dans la nature (mais sûrement avec un angle de vue très différent ici).

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Peter Doig « Concrete cabin » 1994

Les deux peintres déploient un style inclassable, fait de réalisme plein de poésie ; ils sont à contre-courant de l’expression picturale actuelle, dont le réalisme a disparu à peu près partout. Et pourtant, en voyant cette oeuvre, nous mesurons combien c’est dommage. Car elle nous livre des morceaux de nature ou de vie pris sur le vif et très vivants et finalement presque philosophiques.

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Amis (2021)
Première neige (2021)
Dejeuner en banlieue (2021)

Je termine par une série de plage, absolument magnifique, que j’ai rassemblée ici.

Apprendre à nager (2021)
Brise (2018)
Paysage de mer (2021)

Une magnifique découverte, improbable et inattendue. J’adore !

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