Autour de Pingyao se trouvent deux temples et deux « maisons » connus et à voir, à quelques dizaines de kilomètres de la vieille ville ; ce qui est étonnant, c’est qu’il y a au nord un temple et une maison et au sud la même chose. Vertige de la symétrie…
Je vais ici vous raconter d’abord les « maisons », le terme me paraît peu approprié, le mot anglais « compound » serait plus approprié, comme nous le verrons après ; mais chemin faisant, dans la voiture qui m’emmenait là-bas, avec un chauffeur fort sympathique avec lequel j’essayais d’avoir des échanges en langue vernaculaire, j’ai vu quelque chose que je voudrais vous faire partager. Les photos étant prises à la volée, vous excuserez j’espère leur qualité.
Dans ces champs que je frôlais à perte de vue, j’ai réalisé que les arbres isolés qui se dressaient çà et là, abritaient des tombes, creusées dans des terrains de particuliers. Parfois agrémentées de fleurs récemment coupées, souvent d’une pierre tombale toute simple, elles ponctuent ces espaces, certaines bien anciennes au vu de la taille de l’arbre et d’autres bien plus récentes. C’est tout à fait exotique pour des Français, car même si le droit de se faire inhumer chez soi reste d’actualité, les contraintes légales rendent la chose très compliquée.
Nous voilà arrivé à la « Maison du Clan Qiao », bâtie par Qiao Zhiyong, le fondateur d’une dynastie de marchands célèbres du Shanxi, à partir du milieu du XVIIIe siècle ; les bâtiments ont été agrandis peu à peu pour loger toute la descendance de cette famille et l’ensemble a atteint 26 000 m² avec 730 pièces réparties autour de 18 grandes cours et d’innombrables cours secondaires. Les affaires du Clan Qiao ont été florissantes pendant presque deux siècles, banque (avec deux grandes enseignes, Da De Tong et Da De Heng, qui avaient des succursales dans tout le pays et à l’étranger), mais aussi commerce du thé, la famille fait partie de ces aventuriers qui ont parcouru la route du thé (茶马古道 – la route du thé et des chevaux), allant jusqu’au Tibet au nord ou au Népal au sud, pour rapporter les essences les plus rares. L’histoire a pris fin dans les années 1950 avec la liquidation des deux banques principales.
Quatre ensembles cloisonnent ce gigantesque espace de vie (Zaizhong, Dexing, Baoyuan et Ningshou), avec un jardin au milieu. C’est une agrégation de vastes villas, que je vais essayer de vous faire découvrir.
Après une marche de plusieurs centaines de mètres sous le soleil déjà bien chaud en ce début de journée, je parviens à l’enceinte extérieure. Une remarque, vous verrez comme fil rouge ces lanternes disposées partout dans le parcours.

Je vous livre ici le plan du site, pour que vous compreniez cette immensité qui nous attend… L’étoile rouge, qui désigne l’endroit où vous êtes, est en proportion, préparez-vous à une longue visite.

Ce sont des enchaînements de cours avec des reconstitutions de pièces à vivre. A côté de la pierre, ici beaucoup de briques et de bois gravé, dans un grand raffinement. Il fait bon flâner dans ces cours malgré la chaleur qui monte, je suis les pas de Songliang, l’héroïne de « Epouses et concubines », qui a été tourné ici en 1991 par Zhang Yimou. Elle semble me précéder dans le chatoiement et le frou-frou de sa robe de soie…
Et de cour en cour, de pièce en pièce, tout cela prend plus de deux heures d’une belle déambulation dans ce passé familial et historique.
A quelques dizaines de kilomètres au sud de Pingyao se trouve une autre maison, celle du Clan Wang. Là encore un ensemble de maisons, adossées cette fois-ci à la montagne ; la muraille, que l’on peut parcourir, ouvre sur des lointains escarpés, magnifiques sous ce beau ciel bleu parcouru de nuages.


J’étais la seule Occidentale dans les deux lieux, ce qui m’a valu de me faire des amis éphémères, le temps d’une photo avec « leur amie de France »…
Cette « maison » est a priori plus austère que la précédente, son côté presque unicolore cachant cependant maint raffinements, dentelles de bois, effets de jour et de contre-jour donnés par les fenêtres ciselées, beauté des tuiles mates et beiges.



Ici aussi, les pièces s’articulent autour de cours rafraîchies par l’ombre des murs ainsi que par quelques vasques. Les habitats sont distribués dans un ordre familial, au rez-de-chaussée les grands parents, dans l’étage noble les père et mère et dans les niveaux supérieurs, les enfants.
Les habitations qui donnent sur la cour sont parfois troglodytes, creusés à même la pierre (je n’ose imaginer l’hiver… Bien que nous soyons dans le centre du pays). En même temps, penser à toute cette vie de générations réunie dans un espace clos mais assez vaste pour que tout le monde puisse y trouver sa place et son intimité, a quelque chose de réjouissant.



Là encore, il faut prendre son temps, admirer les différentes salles et cours, mais aussi les détails raffinés, souvent de bois, qui ornent les escaliers, les cimaises et les fenêtres. Ce temps qui se fait à la fois court et long, dans ce moment particulier de la visite… Et qui vous permet de sentir l’harmonie des lieux vous pénétrer.
Je recommande vivement ces visites, un patrimoine de toute beauté, inédit pour nous.
FB
Voyage et découvertes toujours passionnantes, merci à la guide talentueuse! amicalement- Bon été
Encore une magnifique excision que tu nous partager à travers ce texte si délicatement barré et bien documenté. C’est aussi pour moi une invite à m’emparer de ce DVD de « Épouses et concubines » qui dort depuis longtemps sur mon étagère.
Délicatement « narré »!
Qu’est-ce que c’est que ce clavier dissident !