La Grande Muraille… Un des monuments emblématiques de la planète Terre, improbable ligne d’horizon d’un immense pays, qui finalement cherche depuis longtemps une protection par rapport à ce qui l’entoure (j’ai eu déjà l’occasion de mentionner l’analogie pour moi entre cette frontière physique et celle, virtuelle, mise en place à l’occasion de la pandémie qui fait notre actualité : une débauche de moyens impressionnants, inédits vus de nous, pour enfermer le pays sur lui-même et résister à un envahisseur ennemi).
Longue de plus de 20 000 kilomètres, elle n’est pas l’oeuvre d’un seul empereur ou même d’une seule dynastie, non, sa construction est tenace, elle se déroule sur plusieurs siècles, du IIIe siècle avant JC jusqu’au XVIIe siècle de notre ère. La construction s’étend au nord du pays, séparant les populations civilisées des barbares plus au nord (Mongoles et Mandchous). Des dizaines de millions d’ouvriers ont participé à sont édification, des millions, sûrement sont morts.
Si ce n’est pas l’unique frontière fortifiée (les Romains avaient bâti une frontière sur près de 5000 kms, depuis la Côte Atlantique de l’actuelle Grande-Bretagne – comprenant le fameux « Mur d’Hadrien » construit au IIe siècle de notre ère – à l’Afrique du Nord, en passant par la Mer Noire et la Mer Rouge), c’est la plus longue et la plus connue.
Elle est devenue dans l’imaginaire collectif mondial une référence touristique (« j’ai fait la Grande Muraille »), comme un idéal universel de construction, un site à l’esthétique absolue auxquels font référence bien des films étrangers (Le Seigneur des Anneaux, par exemple, de manière indirecte) voire des jeux vidéo (citons Tomb Raider, il y en a bien d’autres). Sans compter bien sûr sa place centrale dans la littérature et les arts chinois.
Inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987, elle a fait récemment l’objet de directives du Gouvernement chinois pour sa préservation (« Réglementations relatives à la protection de la Grande Muraille », 2006 et « Plans de conservation de la Grande Muraille », remis à jour périodiquement).
Tant mieux, car aujourd’hui ne subsistent que quelques centaines de kilomètres de ce grandiose édifice, certains refaits à neuf, d’autres laissés à l’abandon et le reste dans tout un dégradé d’état entre les deux déjà cités. Tous se trouvent à proximité de Pékin, la majorité dans l’enceinte de la capitale à une centaine de kilomètres du centre ville.

Depuis mon arrivée ici, en septembre, je rêvais de m’y rendre comme tous les touristes et expatriés. Le temps de comprendre comment tout fonctionnait autour de moi, l’hiver était venu et avec lui, la difficulté d’accéder au site. Car nous sommes au nord de la Chine, un endroit qui peut être glacial, souvent aux prises avec la neige et souvent battu par les vents gelés qui viennent de Mongolie (et que la Muraille, dans toute sa force, ne parvient à pacifier…).
La semaine dernière, je suis partie en excursion organisée à Gubei (j’en reparlerai, je l’ai déjà dit ! Teasing…), ville d’eau bordée par une portion de la muraille du nom de Simatai (司吗台) et j’ai bien sûr pris l’extension qui nous permettait de grimper sur ces hauteurs (en téléphérique, le temps nous était compté), en marge de la visite principale. Depuis ce confortable centre touristique en contrebas, nous distinguions les fortins et passages suivant les âpres et raides escarpements, comme un univers juxtaposé au nôtre, qui n’aurait pas été totalement réel.


Après moins de dix minutes de téléphérique, survolant une nature encore bien engourdie, dans une sorte de fog mitigé de ciel bleu, nous arrivons au pied de l’édifice. Un chemin balisé de talismans rouges (un peu comme nos cadenas sur les ponts de Paris, mais en moins lourd et en plus beau) conduit à un escalier bien abrupt, pour parvenir sur la muraille même. S’il épuise votre souffle de citadin, vous êtes piqué au vif quand vous voyez des enfants monter si facilement ces marches de géant (elles font parfois 50 à 60 cm de dénivelée). Un épisode drôle et charmant vous arrête au creux d’un lacet, un petit chat sorti d’on ne sait où et miaulant pour sa nourriture et une jeune femme attendrie qui sort sa ration de viande pour le nourrir, provoquant un petit attroupement. Je soulignerai ici la dévotion de la gent féminine pour les chats, que j’ai pu constater maintes fois.
Revenons à notre propos. Cette portion de la muraille n’a pas été restaurée depuis le XIVe siècle, elle aligne ses garde-corps de part et d’autre de ces allées centrales, qui vont d’une tour de guet à l’autre, se changeant parfois en des escaliers de pierre rongés par le temps.
Peu de monde, le temps et la saison ne sont pas favorables. Cela participe de la beauté du lieu, sauvage et intouché, mais aussi dangereux et difficile. Je suis sujette au vertige et j’ai eu du mal parfois à arpenter ces chemins raides, sans sécurité. Voir ses pas flirter avec des presque précipices a quelque chose de difficile pour quelqu’un comme moi, sur une voie de 4 à 5 mètres de large tout au plus.




Les tours dénudées, où nous peinons à imaginer la présence d’êtres vivants dans le froid et le vent de décembre, ouvrent sur des perspectives lointaines (vous me direz que c’est assez normal pour des tours de guet !).

Cette promenade exigeante, au creux de l’Histoire, est enivrante. J’ai été enchantée et je reviendrai arpenter ces longues allées suspendues au-dessus des paysages, dans des endroits plus sûrs !
FB
J’attendais avec un impatience cette excursion par procuration, et je dois dire que je ne suis pas déçu ! Tu montres des aspects de la muraille qu’on ne voit pas nécessairement dans les reportages, et ton récit à sensation donne… le vertige ! J’imagine ce vent glacial malmenant le promeneur sur ces murs de quelques mètres de largeur sans parapet !
Nos châteaux Cathares, perchés eux-aussi, font pâle figure à côté.
Vivement la suite 😀